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Tristes enfers, Mefistofele à Munich

A l'Opéra de Munich, un spectacle à la hauteur de l'œuvre interprétée – hélas !

Tous les compositeurs du dimanche n'ont pas autant de chances qu' : c'est grâce à ses multiples liens au monde du théâtre que l'écrivain qu'il est avant tout voit son premier opéra, Mefistofele, créé en 1868 à la Scala. Depuis une trentaine d'années, la présence intermittente de l'œuvre au programme des opéras du monde s'est encore atténuée. À Munich, l'œuvre n'avait jusqu'alors été présentée qu'une fois, en version de concert, en l'an 2000, et c'est comme souvent autour d'une basse désireuse de se mesurer au rôle-titre qu'est montée cette première production scénique.

est la seule bonne nouvelle de la soirée : sa voix est remarquablement percutante, nuancée, souvent pleine d'humour. On a pu parfois lui reprocher une certaine usure, ou une forme d'impassibilité : rien de cela ici. Car le grand point noir de la soirée, c'est Boito lui-même, un peu le librettiste qui a voulu trop embrasser et tombe souvent dans un maniérisme que Verdi n'aurait pas accepté, beaucoup le compositeur, qui se tire à peu près des airs, mais sombre dans les ensembles et accumule les banalités à l'orchestre. Il y a là une incontestable soif de modernité, sous influence, avec pour résultat une accumulation d'intentions plus qu'une langue personnelle. Et l'intellectualisme de Boito a ses limites : le pompiérisme de l'épilogue n'a guère d'exemple dans tout le répertoire lyrique, et c'est bien heureux.

Les deux principaux protagonistes de cette production portent aussi leur part de responsabilité. dirige moins la partition qu'il ne court après elle, et s'il parvient à peu près à tenir tout le monde ensemble, il ne lui reste guère de marge pour construire une interprétation. Le metteur en scène , qui fait comme le chef ses débuts à l'Opéra de Munich, ne fait pas partie des grands noms de la mise en scène qui ont contribué à la réputation de la maison, à tel point qu'on peut se demander dans quelle mesure il ne s'est pas agi d'un choix par défaut. Schwab a eu à cœur de tirer le meilleur profit des considérables moyens techniques et financiers qui ont été mis à sa disposition, et il en profite pour dresser un impressionnant catalogue des clichés du théâtre contemporain, de l'asile de vieillards au nuage de fleurs (oui, le végétal est à la mode au théâtre) en passant par le sado-maso. L'enfer y est peint avec cette distance artisanale qui est l'acmé du post-modernisme théâtral, mais ce ne sont pas les moyens qui posent problème : c'est l'absence de regard sur l'œuvre qui est cruelle ici, à force de jouer le spectaculaire. Ce n'est décidément pas un service à rendre à une œuvre qui a autant besoin d'aide.

Autour de , la distribution ne convainc pas non plus. a une puissance enviable, et cela ravit toujours beaucoup d'amateurs, mais la brutalité de son chant et l'absence de nuances et d'émotions lassent très vite. , dont la carrière internationale est partie de Munich, est pour nous un des grands mystères de la scène mondiale actuelle : la diction est floue, les graves difficiles, l'intonation incertaine. Toutes les salles du monde ont leurs mauvais jours ; gageons que cet échec sans mélange n'entamera pas durablement la belle trajectoire de l'Opéra de Munich.

Crédit photographique : © Wilfried Hösl

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