- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Schubertiades à Dijon

Une quinzaine de jours pour célébrer Schubert sous toutes les formes, c'est sans doute trop peu pour en goûter tous les charmes… Mais les Schubertiades de Dijon nous font pénétrer ce monde fait d'élans juvéniles, de voltefaces sentimentales et d'expressivité à fleur de peau.

La soirée de samedi 14 novembre, réservée au chant, car privée de son volet symphonique à cause des perturbations dues aux attentats de Paris et de Saint-Denis, et celle du jeudi 19, uniquement symphonique celle-là, ont servi de baume au cœur de chacun : la musique vraiment « consolatrice » comme dirait W. Jankélévitch, réconforte les cœurs endeuillés.

An die Musik sert en quelque sorte de manifeste à la soirée du 14, et , pour notre plaisir un habitué de cette scène dijonnaise, en a tiré un sentiment poignant qui suscite des larmes ; le tempo volontairement lent en fait ressortir la simplicité mélodique et sa perfection, et le pianoforte construit par Christopher Clarke, avec sa sonorité feutrée, enveloppe le chant avec complicité. Ce lied chanté en prélude du concert le termine aussi et prête ainsi matière à réflexion…

, privée du célèbre Der Hirt auf dem Felsen à cause de la défection de la clarinettiste retenue quelque part en Europe, interprète avec beaucoup d'émotion Die junge Nonne, Nacht und Traüme et Gretchen am Spinnrade. Le premier lied cité permet d'apprécier le sens dramatique de l'interprète, qui sait éclairer la fin de la pièce avec un « Alléluia » magnifique de lumière et de sensibilité. Nacht und Traüme dévoile un vibrato maitrisé à la perfection dans un tempo d'une extrême lenteur. On aimerait Gretchen am Spinnrade un peu plus emporté peut être…
a choisi un répertoire léger, en italien, composé par Schubert à la fin de sa brève existence, et c'est une révélation, tant sur le plan du choix que sur celui de la désinvolture réussie que demandent les textes ; il se comporte en parfait rossinien, jouant avec les mots, les tessitures, et les voltefaces expressives !
Les deux pianistes, et , ont brillamment mis en valeur l'écriture chargée de la Marche caractéristique n° 2. La Fantaisie en fa mineur n'a peut-être pas été aussi expressive que l'on s'y attendait : quelques décalages dans l'énoncé du thème, une certaine froideur dans les passages centraux, ont rendu cette pièce un peu conventionnelle.

s'est montré d'un dynamisme étonnant dans la direction des deux symphonies n° 4, celle de Schubert d'abord, puis celle de Mahler ensuite. Dans l'œuvre de jeunesse du premier, il a justifié pleinement son titre de « tragique », spécialement dans le premier mouvement et dans le dernier : les nuances sont fortement expressives et les accents, exécutés avec une violence calculée, donnent un mordant certain à l'interprétation. L'orchestre répond immédiatement aux sollicitations, avec cette sonorité pleine qui est habituellement la sienne.
Quant à la version de la quatrième symphonie de Mahler… difficile de ne pas en faire des éloges ! Les bois et les cors sont remarquables, et, dans le deuxième mouvement, les conversations serrées entre le premier violon, la clarinette, les cors et les cordes s'enchaînent avec une fluidité étonnante. Enfin, dans le dernier mouvement, la voix pure de nous conduit vers la félicité au milieu des percussions claires et des chants d'oiseaux.
Et alors, comme le dit le texte du Knaben Wunderhorn, « nous jouissons des plaisirs célestes ».

Crédit photographique : Orchestre symphonique de la SWR Baden-Baden und Freiburg © Opéra de Dijon Gilles Abegg

(Visited 479 times, 1 visits today)