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L’Hirondelle inattendue et L’Enfant et les sortilèges à Montpellier

Coup double et belle découverte à l'Opéra de Montpellier. Une inattendue (et inentendue car il s'agissait de sa création scénique) Hirondelle signée accompagne un Enfant et les Sortilèges, habilement mis en scène par .

Cette « Hirondelle inattendue » annoncerait-elle le printemps de l'Opéra national de Montpellier ? Elle a au moins le mérite de s'écarter des sentiers battus, fidèle au cap fixé en début de saison par la directrice Valérie Chevalier, attentive à multiplier raretés et découvertes lyriques. Au programme de cette soirée, on retrouve sans déplaisir l'Enfant et les Sortilèges, donné dans la production Opéra-Junior en février dernier. officie à la mise en scène, conjuguant sobriété et efficacité, pour relier en une vision commune, deux approches de l'enfance musicale.

Surréalisme et ritournelle

L'Hirondelle inattendue de (1902-1983) aura donc attendu 50 ans avant de connaître sa première version scénique. En choisissant de s'installer à Paris à son retour de déportation dans le camp d'Auschwitz, le compositeur polonais ne se doutait pas que sa musique ne trouverait pas d'écho favorable. Rapidement tombée dans l'oubli, l'œuvre trouve son origine dans une pièce radiophonique de Claude Aveline, d'après la célèbre chanson de Louis Bénech et Ernest Dumont : « L'Hirondelle du faubourg ». Le livret d'Henri Lemarchand tient à la fois de la candeur de Colette ou Paul Fort et du surréalisme d'un Desnos. Cette unique production lyrique n'a pas la prétention d'une pièce à énigme, censée dissimuler le message politique sous l'imagerie naïve. Un seul acte suffira à raconter les péripéties d'un reporter et d'un pilote au paradis des animaux. Habilement présentés par des images d'archives racontant la conquête spatiale, les deux compères apparaissent dans des tenues d'astronautes au beau milieu d'un étrange aréopage de « rois » et « reines » aux visages uniformément recouvert de toile noire. L'erreur de pilotage est propice à la découverte de ce bestiaire posthume dissimulant la Colombe de l'Arche, l'Ours de Berne ou encore les Oies du Capitole… L'intronisation de la modeste Hirondelle du faubourg se heurte à l'attitude dédaigneuse des nobles animaux. L'onirisme décalé prendra une tournure funèbre quand ce beau monde envolé, un drap mortuaire retombe sur celui qui avait imaginé cette belle histoire.

Objet d'un enregistrement par l'Orchestre symphonique national de la radio polonaise (Clef ResMusica), l'Hirondelle inattendue s'inscrit volontiers dans l'univers sonore du groupe des Six. Foisonnant de rythmes striés et marches harmoniques, la musique de affiche cuivres pimpants et broderies entraînantes. La petite harmonie est à la fête, lançant avec décontraction des ponts entre musique savante et populaire. Ce trait d'union sert de préambule naturel à l'Enfant et les Sortilèges de Ravel, donné en seconde partie.

Album d'images

La mise en scène de prouve ses qualités, cette fois-ci avec un plateau de chanteurs professionnels. En choisissant de donner aux surtitres le rôle de commentaires sur le mode du jeu de langage psychologique, les décors de Giacomo Strada s'animent sous un jour nouveau, sollicitant l'imagination du spectateur au-delà de la simple illustration naturaliste. Le continuum se feuillette comme un grand album d'image, éclairé à la perfection par Geoffroy Duval.

Vocalement, on perd en naturel et en spontanéité mais la plus-value est indéniable en terme de technique vocale. Le ténor Kevin Amiel enchaîne successivement les rôles : Reporter, Théière, Vieillard et Rainette. L'émission est toujours un peu pincée mais il fait preuve d'une belle présence en scène et remporte aisément les suffrages. Le format vocal assez modeste de l'hirondelle d' s'ouvre généreusement lorsqu'elle saute dans les costumes de la Chauve-souris et de l'Écureuil. Tortue d'Eschyle en première partie, réussit l'exploit protéïforme d'être Mère, Tasse chinoise et Libellule, exposant un timbre capiteux. Très véhément en Horloge et en Serpent, fait oublier un Pilote assez terne. s'adapte idéalement à la bonhommie de l'Ours et l'humour décalé du Fauteuil et de l'Arbre blessé.
se fait remarquer en Colombe et séduit dans le rôle de l'Enfant, sur le fil entre enfance et âge adulte. L'autre belle surprise de la soirée se nomme (jeune artiste vocale ICMA 2015), impétueuse et jalouse Procné, puis brillantissime Feu, Princesse et Rossignol. La direction de réussit le difficile équilibre entre un plateau très contrasté et une écriture toute en nuance

Crédits photographiques : © Marc Ginot

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