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Rameau en majesté dans Le Temple de la Gloire

Rameau nous parvient aujourd'hui magnifié par la somptuosité et la haute technicité des ensembles actuels. Pour Le Temple de la Gloire, et ses Agrémens sont de cette eau-là.

Qu'il est loin le temps (1974) où Malgoire et Paillard ferraillaient à coup d'Indes galantes pour imposer le génial dijonnais ! Fort du succès de son enregistrement bouillonnant (et brouillonnant) hélas jamais réédité en CD, mais absolument fondateur dans sa passion fonceuse, Jean-Claude Malgoire remettait le couvert avec ce Temple de la Gloire, seul ascendant lui aussi introuvable du nouvel enregistrement Ricercar.

Conçu, à l'instar des Indes Galantes, sur le découpage en entrées différentes, ce Temple n'égale pas la hauteur mélodique inépuisable de son aîné de 10 ans. Et pourtant, l'on est saisi par l'Ouverture, inédite de puissance orchestrale (aussi bien rendue par celle de la direction de Van Waas que par celle de la prise de son). Des cors et des timbales telluriques clament l'indiscutabilité d'un compositeur dont on ne se lasse jamais, même si, hormis ceux des grandes tragédies lyriques, ses livrets semblent avoir contracté un abonnement à vie aux bergères et aux oiseaux.

En 1745, c'est Voltaire qui est aux fourneaux. Librettiste et compositeur vont en profiter pour panser au passage les plaies d'un Samson commun jamais finalisé. Leur Temple de la Gloire est une manière d'ode philosophique : après un Prologue confié à l'Envie et à une cohorte de Démons, l'on y débat, trois entrées durant, sur les mérites d'humains à même de séjourner pour la postérité dans un Séjour qui est l'équivalent de notre Panthéon. S'il est clair que Bacchus n'obtiendra pas son laisser-passer, en revanche Trajan, suite à une clémence qui n'est pas sans rappeler celle de certain Titus, y sera accueilli avec la chaconne de rigueur.

Cet enregistrement, luxueusement édité comme il est de coutume chez Ricercar, bénéficie de l'excellence désormais incontournable du ainsi que de solistes merveilleusement chantants, tous incarnant plusieurs rôles. La palme de la diction féminine revient à Chantal Santon-Jeffery, les fines musiciennes que sont et Katia Velletaz étant plus inégales sur ce plan. offre la coutumière autorité de son timbre à la construction de l'édifice. séduit, avec des aigus très engagés, sachant passer de la tension poseuse d'Apollon à la noblesse de Trajan.

Ce Temple de la Gloire, militant pour « le bonheur de l'Univers », est un édifice où il fait bon vivre. De ses colonnes s'échappe le message voltairien, manifeste de rigueur en nos temps troublés: « On n'imite point les Dieux par les horreurs de la guerre, il faut pour être aimé d'eux se faire aimer sur la terre. »

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