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South Pole de Srnka à Munich, une création très froide

Il fallait bien que cela arrivât : en 1911 et 1912, deux expéditions successives, celle du Norvégien Amundsen puis celle de l'Anglais Robert Scott, atteignirent le pôle Sud. Le premier en revint avec ses hommes, le second mourut avec les siens sur le trajet du retour. C'est ce que raconte South Pole, créé pour l'Opéra de Bavière par le jeune compositeur tchèque Miroslav Srnka.

A vrai dire on ne comprend pas très bien ce qui l'a intéressé, lui et son librettiste Tom Holloway, dans cette histoire. L'épopée scientifique ? On la voit à peine. L'aventure intérieure ? Elle n'est qu'esquissée. Les relations humaines en conditions extrêmes ? Sans doute, mais sans en tirer beaucoup, à force de multiplier les anecdotes. Le livret trop bavard est en outre privé de tout impact par la mise en scène redoutablement plate de , dans un décor indigent (blanc, forcément) : à gauche, l'équipe de Scott ; à droite, l'équipe d'Amundsen ; en fond de scène, une toile de tente stylisée vue de haut. Et l'impression par moments d'assister à un match de ping-pong plutôt qu'à un opéra.

Reste la musique : l'orchestre démesuré dirigé par n'apparaît au premier plan que pour quelques intermèdes orchestraux, qui ne dépassent pas un certain naturalisme qui va de pair avec une monotonie certaine (on aura compris que le vent souffle fort dans l'Antarctique !). Le reste du temps, les voix parfois amplifiées occupent le premier plan, d'autant que le livret bavard de Holloway multiplie inutilement les dialogues. Srnka a à sa disposition deux grands noms, plutôt que deux grandes voix, pour incarner les chefs des deux expéditions. En cette cinquième représentation de l'œuvre, il n'y a plus rien à sauver de la voix de , éraillée et anti-musicale au possible, et son jeu scénique en l'absence de véritable direction ne sort pas des stéréotypes attendus ; , lui, sans avoir tout à fait gardé la splendeur de son timbre d'antan, a du moins conservé l'autorité de sa diction et tire le meilleur parti du rôle écrit par Srnka, dont la réflexion sur l'écriture vocale n'est pas des plus abouties qu'on ait pu entendre. , qui incarne le grand amour d'Amundsen, paraît constamment gênée par une tessiture trop haute pour elle ; Mme Scott, alias , ne sort des stéréotypes d'une solidité bourgeoise : ces deux excursions hors de l'univers masculin des deux équipes ne donnent pas beaucoup plus de plaisir vocal que les rôles principaux et leurs comparses indifférenciés.

Avant cette création ambitieuse, Srnka n'avait écrit à l'opéra que des œuvres de moindre dimension, dont l'une avait d'ailleurs été créée lors du festival d'opéra de Munich dans une petite salle ; ce grand projet, desservi par une mise en scène désespérante de prosaïsme, mais guère plus enthousiasmant musicalement, repose une fois de plus la question des conditions du succès pour les créations d'opéra aujourd'hui. Une narration trop prosaïque, façon 60e parallèle de Manoury, tout comme une ambition démiurgique et philosophique façon Babylon de Jörg Widmann, amènent à des catastrophes aussi différentes que certaines ; entre ces deux pôles, l'opéra de Srnka ne choisit pas vraiment, mais il en cumule les inconvénients.

Crédit photographique : © Wilfried Hösl

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