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Rufus Wainwright explore Shakespeare

L'enfant terrible de la musique classique qui s'est lui-même définit comme le vocaliste et le compositeur de chansons parmi les plus grands de sa génération, sort un nouvel opus au titre évocateur de Take all my loves basé sur neuf sonnets de Shakespeare.

A l'origine, c'est un travail de commande de Robert Wilson et du San Francisco Symphony qui fait l'objet de cette œuvre. Par la suite, le metteur en scène américain en a fait un spectacle scénique qui a vu sa première à Berlin en avril 2009, pour être repris par la suite notamment à Rouen (!) l'année suivante, avant d'être montré à New-York et à Séoul.

La musique composée pour cet album reste fidèle aux précédentes œuvres du musicien américano-canadien (surtout en tant que musique pop). Les ambiances semblent se poser à chaque sonnet énoncé par divers récitants aux voix posées et profondes. La langue poétique shakespearienne souvent difficile à comprendre pour qui, comme votre serviteur, possède une connaissance « ménagère » de l'anglais, sonne déjà comme une musique.

Si le premier des neuf sonnets choisis commence par le chant de la lumineuse soprano accompagnée par une musique planante inspirée par Debussy, la plupart des autres sonnets sont musicalement plus personnels à la musique que offrait lors de ses concerts. Quand bien même on frise les limites de l'acceptation au sein de la sacro-sainte caste des musiques classiques, celle proposée par n'est pas complètement dénuée de sens ou de talent.

Ainsi le lancinant rythme martelant la déclamation de dans Take all my loves peine à exploser, comme retenu par les mots que le sonnet véhicule, montre le soin apporté par le compositeur pour donner cette impression, alors qu'il lui aurait été plus aisé et plus spectaculaire de laisser éclater la musique. Il n'en est pas de même pour Unperfect actor où l'on se trouve transporté dans des climats pop rock, avec une impressionnante batterie swinguant de tout son être. Plage sans doute réussie mais, on peut se poser la question de son opportunité au sein de ce tableau. Étrangeté de la création artistique d'un personnage kaléidoscopique.

On a particulièrement aimé le pastiche de Kurt Weill, que Rufus Wainwright compose autour du Sonnet 66 All dessen müd.

Certes, il est inutile d'essayer de suivre un raisonnement logique derrière la non-intrigue, voire le non-message, du choix de ces sonnets (en dépit de leur excellence poétique). L'association de ces deux artistes (incontestés à défaut d'être incontestables) est suffisamment étrange pour qu'en exhale un intéressant mélange de personnalités.

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