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Superbe hommage à Bamberg, un grand orchestre allemand

Les soixante-dix premières années de l', l'une des grandes formations d'outre-Rhin, nous renvoient à l'histoire même de l'Allemagne d'après guerre. La tradition héritée de Mahler et Zemlinsky, comme ses origines pragoises nourrissent le style spécifique de cet orchestre.

Il faut en effet commencer l'écoute de ce superbe coffret par le dernier disque : l'orchestre philharmonique allemand de Prague y joue Mozart, Beerhoven et Pfitzner sous la direction de son chef , entre 1941 et 1944. L'histoire ensuite bouscule l'activité de cette phalange ancienne qui a connu la gloire entre les deux guerres sous la baguette de Zemlinsky. Le soulèvement de Prague conduit les musiciens à s'enfuir pour se retrouver presque tous, réunis à nouveau avec leur chef dans la petite ville bavaroise de Bamberg en 1946. Là, renommé , l'orchestre va pendant soixante-dix ans de 1946 à 2016, se faire reconnaître comme l'un des très bons orchestres allemands, sous la baguette de chefs réputés. Il cultive un son fait de rondeur et de chaleur, homogène plus que brillant, dans un répertoire de prédilection à la fois germanique et tchèque. Ce coffret généreux qui emprunte aux catalogues DG mais aussi Amadeo, Orfeo, Sony, Telefunken, Tudor et Warner et retrace ces soixante-dix années, en associant rééditions, inédits tirés des archives et surtout chefs titulaires et invités.

Des années cinquante, on retient notamment les témoignages d'un chic inimitable de (la suite de valses du Chevalier à la rose), l'importance marquante du legs de , la grande figure tutélaire de l'orchestre, de lorsqu'il accompagne un Kempf au sommet de son art, plus que les interprétations assez ternes de . Rien en revanche, hélas, du discret mais remarquable Georg Ludwig Jochum, frère cadet d'Eugen, trop tôt disparu et resté dans l'ombre de son aîné ; il fut pourtant le titulaire de l'orchestre de 1948 à 1950, vingt années avant son célèbre frère. Autre trait distinctif de cette période et de la décennie suivante, l'attachement au répertoire tchèque dont témoignent la Symphonie n° 8 de Dvořák, les poèmes de Smetana ou les vastes extraits, hélas en allemand, de La fiancée vendue superbement dirigée par Kempe. On ne s'étonnera donc pas de trouver quelques flamboyantes danses slaves captées en 1974 sous la baguette de Dorati. Également point fort du répertoire de Bamberg, est très représenté : depuis Krauss déjà cité jusqu'à l'ultime enregistrement de Jochum en 1984 en passant par Sinopoli pour des métamorphoses intenses et le très sous-estimé dans une symphonie alpestre de belle tenue. Les chefs invités brillent parfois comme Sanderling pour une Pastorale toute d'équilibre et de lyrisme, Istvan Kertesz pour une Quatrième de Mahler joyeuse et juvénile ou dans une émouvante Neuvième de Bruckner, plus intéressante que la Romantique solide mais un peu convenue de Stein. Des années récentes, l'éditeur a choisi une n° 1 de Mahler du mandat de , auquel il aurait pu préférer, tant qu'à puiser dans le fonds Tudor, une symphonie de Raff dont l'intégrale Stadlmair demeure un titre de gloire incontestable et original. Enfin Le Sacre du printemps reflète l'internalisation croissante du répertoire d'un orchestre désormais rebaptisé Philharmonie d'État de Bavière () ; une page sans doute de la culture orchestrale d'outre-Rhin se tourne…

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