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Le Festival de Besançon sort des sentiers battus

Des Lieder d' avec ; la version originale du Stabat Mater de Dvořák par  : bien que forcément frustrantes, deux soirées aussi originales qu'intenses .

/  : l'osmose

Aucun cinéphile n'a oublié les larmes rentrées d'Alma enterrant symboliquement ses partitions entre les racines d'un arbre dans le très beau Mahler de . Les voici vengées par l'humour distancié d'un très en verve dans sa volonté d'en découdre avec le machisme d'époque du grand Gustav, prenant le micro pour narrer l'engagement que le génial compositeur avait contracté avec sa future épouse, sur le mode : « Le génie c'est moi ! »

Il est une fois encore troublant de constater les sommets que des musiciens peuvent atteindre lorsqu'ils aiment ce qu'ils jouent : ainsi en est-il d'un couvant jusqu'à la touffeur le somptueux mezzo déjà mahlérien d' de sonorités capiteuses. Quatre Lieder seulement (mais pas les « derniers » d'une quinzaine publiée sur cent inédits), composés en 1914 et en 1915, orchestrés par David et , et, si l'on excepte le clin d'œil très Knaben Wunderhorn de Bei ist es dir traut, de la beauté crépusculaire du Monde d'hier de Zweig, entre Zemlinsky (le maître de composition) et Strauss. Strauss que Verdier ajoute très judicieusement en bis par le biais du sublime Morgen où cantatrice magnétique et orchestre en état de grâce atteignent l'apesanteur face à un public qui retient son souffle. Un Voi che sapete des plus mutins permet à Isabelle Druet de rappeler la facétie millimétrée de sa nature mais aussi de constater que sa voix, au-delà de cet impeccable Chérubin, appelle déjà Brangäne.

Même si c'est pour Alma et Isabelle que le public s'était déplacé (un triomphe des plus mérités est fait à la jeune chanteuse qui, bien que résidant à Besançon, fait enfin ce jour ses débuts au festival), il serait injuste de ne pas mentionner le Siegfried Idyll introductif dans lequel Verdier parvient à gorger de couleurs (vers la fin l'on croit rêver en entendant certaine Chasse royale et orage des Troyens) le patchwork de la berceuse sucrée qu'un Wagner énamouré offrit à Cosima à la naissance de leur unique fils. Après l'entracte, une fois les cordes aiguës échauffées par l'Allegro molto, et malgré un violon solo moins impérial dans la Romanza que dans Morgen, une Quatrième de Schumann dans l'orchestration de Mahler (elle aussi malicieusement taclée par ) emporte l'adhésion : vibrante, très colorée, avec une époustouflante transition couronnée d'un magistral frapper de timbale entre les mouvements 3 et 4.

Dernière saison pour  : le Stabat Mater de Dvořák en v.o.

En 1875, Dvořák, entre les 5e et 6e symphonies, perd un enfant âgé de 2 jours. Il s'attelle à un Stabat Mater tout de sobriété : sept numéros pour chœur et solistes avec accompagnement de piano. Deux années plus tard, le Destin tente une nouvelle fois d'ébranler l'optimisme du grand compositeur tchèque en le privant de deux autres enfants. Trois numéros sont ajoutés au cœur du Stabat Mater dont les 90 minutes délaissent le piano originel pour le grand orchestre. C'est cette version qui deviendra la plus connue d'une œuvre parmi les plus célèbres de son auteur. , pour l'ouverture de sa dernière saison à la tête de l'ensemble qu'il a fondé, Spirito-Chœur et Solistes de Lyon, a choisi la première mouture. Les amoureux de l'œuvre repartiront forcément en manque du tube de la version longue, le fameux Fac me vere consolere pour ténor solo et chœur masculin, mais ne pourront contester la magistrale technicité atteinte par les 12 chanteurs de Bernard Tétu, l'intensité de l'interprétation compensant la brièveté légèrement déceptive (20 minutes de musique en moins tout de même) de la soirée. La probité du quatuor de solistes échappés du groupe n'est qu'à peine entachée par la justesse de l'extrême aigu et l'exposition un brin stridente dans le dangereux final de  : léger et prenant ténor de Manuel Nunez Camelino, alto paisible de , basse parvenant à transformer le péril des aigus en atout émotif de . Le piano d'Alain Jacquon acquiert une présence orchestrale bienvenue dans l'acoustique très réverbérante d'une Cathédrale Saint-Jean bondée où semblaient s'être donné rendez-vous tous les chœurs (très nombreux) de Franche-Comté.

Crédits photographiques : © Yves Petit

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