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Sandrine Piau et Christophe Dumaux au service des amants désespérés d’Haendel

Malgré son omniprésence dans la musique baroque, le thème des amants désespérés n'a pas inspiré beaucoup de récitals à la scène et c'est avec curiosité que le public parisien s'est rendu au théâtre des Champs-Élysées pour entendre deux voix très appréciées dans ce répertoire. Magnifiquement accompagnés par et son Concert d'Astrée, et n'ont pas failli à leur réputation.

Tout d'abord, le thème des amants désespérés chez Haendel est ici abordé dans toutes ses expressions. Partagé entre solo et duos, lamento et morceaux de bravoure, arias et récitatifs accompagnés, le programme donne également à entendre des airs moins connus du répertoire haendélien, comme ceux de Tamerlano.

On sait parfois dès les premières minutes si la soirée sera réussie et ce fut le cas lorsque, débarquant des coulisses après l'ouverture de Rodelinda, empoigna avec la fougue qu'on lui connaît l'air d'Andronico « Piu d'une tigre altero » extrait de Tamerlano. D'emblée, la voix y apparaît plus belle qu'il y a quelques années au Palais Garnier où il nous avait déjà livré son inénarrable Ptolémée. Les graves résonnent pleins, les aigus y sont moins aigres. La voix a-t-elle évoluée ou l'acoustique du Théâtre des Champs-Élysées est-elle plus flatteuse qu'à Garnier ? Peu importe au fond, le contre-ténor nous embarque immédiatement dans son histoire et nous fait partager ses tourments.

Plus délicate est l'apparition de pour le lamento d'Aci « Verso gia l'alma col sangue ». La soprano pénètre sur scène le visage fermé, et déroule son timbre cristallin dans de sublimes sons filés. Le legato parfaitement maîtrisé confère à cet air élégiaque une plénitude d'autant plus frappante que l'accompagnement est au diapason de ce que la chanteuse délivre.

Car l'orchestre est vraiment d'une élégance folle ce soir. choisit des tempi judicieux, de belles dynamiques et imprime une grande suavité dans les sons et le phrasé. Le dialogue entre et les deux violoncelles et les vents dans le Concerto grosso n° 2 n'est pas loin de nous transporter en Arcadie.

Par la suite, apparaît plus à l'aise dans les airs de bravoure que qui peine un peu à donner de la véhémence à l'air de Dalinda « Neghittosi, or voi che fate » extrait d'Ariodante. Les vocalises y apparaissent parfois plus mécaniques et difficiles que son partenaire qui assure un récitatif accompagné et un « Vaghe Pupille » d'Orlando hallucinés et magnétiques, nous conduisant tout droit aux enfers.

Le chef-d'œuvre que constitue le « Ah, mio cor » d'Alcina exige à notre sens, pour émouvoir, une voix plus dense et une palette de coloris plus étendue que celle de Sandrine Piau mais voilà, la soprano n'est pas qu'une simple chanteuse et offre au public le moment le plus bouleversant de la soirée. A quoi cela tient-il ? Une simplicité désarmante, sans effets superflus. Des intentions à chaque note, des intonations très travaillées, des variations sublimes dans le da capo, et de magnifiques nuances … Bref, de quoi susciter l'ovation méritée du public.

Les derniers duos qui concluent la soirée, et notamment le « Caro bella » de Giulio Cesare donné en bis, témoignent de la belle complicité unissant les deux chanteurs qui offrent à ces airs une espièglerie délicate et piquante, absolument délicieuse.

Crédit photographique : (c) Sandrine Expilly / Naïve

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