- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Deux maîtres du baroque méridional ouvrent Toulouse les Orgues

, la formation montalbanaise, dirigée avec un enthousiasme communicatif par , qui est également un infatigable chercheur de partitions oubliées, fête cette année ses trente ans. L'occasion était belle pour le festival Toulouse les Orgues, qui célébrait son vingtième anniversaire, de mettre en valeur des œuvres méconnues du baroque méridional.

Depuis son enregistrement fameux du Requiem du maître toulousain trop tôt disparu, suivi de motets, de lamentations et d'une messe de jeunesse, est devenu un spécialiste incontesté de , qu'il sert subtilement en ayant reconstitué les parties manquantes des copies disponibles, à défaut de partitions originales. Cet aspect est d'autant plus important pour le Requiem, qui fut interprété tout au long du XVIIIe siècle pour les funérailles de Campra, de Rameau, mais aussi des rois Stanislas 1er de Pologne et Louis XV, remodelé à chaque fois au goût du moment, notamment par l'ajout d'une partie de timbales et d'un carillon, par Corrette en 1764. Il n'en demeure pas moins qu'il est particulièrement émouvant d'entendre à nouveau ce Requiem, le plus proche possible des conditions de sa création, dans la cathédrale où il résonna pour la première fois en 1705, lors des obsèques de .

Rompus à cette musique, dont ils ont su renouveler l'interprétation, le chœur Les Éléments et l'orchestre possèdent avec intelligence et sensibilité le sens de la rhétorique baroque, augmenté d'une pertinente prononciation du latin à la française, qui lui donne une saveur et une couleur inimitable. La direction souple et attentive de donne une ferveur tranquille et une respiration à cette œuvre, qui présente la mort avec sérénité. La marche solennelle de l'introït, entrecoupée de profonds silences, progresse vers la lumière rayonnante du final. Le quatuor de solistes, en phase avec le discours, participe au mieux à cet éclairement progressif. Le timbre chaleureux de la soprano , répond à la richesse de celui du ténor , rehaussé par l'exactitude de celui de « haute-contre à la française » de , tandis que la basse taille assure le socle harmonique de ce quatuor dont l'expressivité éclate dans l'Offertoire, qui est le cœur de l'ouvrage. En connaissant bien ce Requiem, on ne saurait s'en lasser à ce niveau d'interprétation.

La résurrection de Blanchard

Un quatuor de solistes rompu au répertoire baroque.

Le niveau montait d'un cran dans la seconde partie avec deux motets à grand chœur d', qui est l'objet des recherches de Jean-Marc Andrieu depuis l'an dernier. Cette renaissance publique a eu lieu le 25 juillet au festival de Radio France Montpellier où les mêmes interprètes révélèrent trois motets, Magnificat, De profundis et In Exitu Israël. Les micros de France Musique avaient capté l'événement en direct et cette prise aboutit à un disque paru cet automne chez Ligia.

En fait, c'est qui a attiré l'attention de Jean-Marc Andrieu sur ce petit maître versaillais, issu de l'école d'Aix en Provence, comme ses aînés Campra et Gilles, également formé par Guillaume Poitevin. Puis entreprenant ses recherches à la bibliothèque nationale, le chef montalbanais fit la connaissance de la musicologue Bernadette Lespinard, auteur de l'unique thèse sur Blanchard.

À l'écoute de ces deux merveilles, on se demande en effet comment une telle musique a-t-elle pu dormir aussi longtemps parmi les manuscrits de la bibliothèque nationale.

Composé en 1741, le Magnificat appartient aux débuts versaillais de Blanchard, qui fut nommé à la chapelle royale en 1738. Il s'inscrit encore dans l'esthétique classique d'un Delalande, même si l'on constate l'évolution rapide du style musical en quelques décennies. Les brèves séquences laissent apparaître une écriture opulente de tonalité méridionale pour le chœur à laquelle répondent des interventions solistes originales. Splendide Deposuit à trois voix d'homme, suivi d'un magnifique duo de dessus Esurientes implevit bonis (il comble de biens les affamés) où Cécile Dibon-Lafarge rejoint du chœur . Le Gloria rayonne d'une lumière éclatante avant la fugue de l'Amen final.

Plus tardif, le motet In Exitu Israël dispose d'une orchestration plus étoffée, avec flûtes, piccolos, cors et timbales, qui permet une dimension théâtrale. Dès la Marche des Hébreux introductive, le ton dramatique est donné avec un relief expressif impressionnant. À l'évocation du tremblement de terre et du passage de la Mer Rouge, on se dit que Blanchard aurait dû faire de l'opéra. Le chœur est très sollicité dans ce petit oratorio narratif, mais les solistes ne sont pas en reste, dont des interventions très virtuoses pour le haute-contre .

La proximité du sujet et surtout le traitement musical évoquent à plusieurs reprises le monumental Israël en Égypte de Hændel, quasi contemporain.

Comme le disait Gilles Cantagrel, qui présentait le concert : « On a trop longtemps considéré que les musiciens français des XVIIe et XVIIIe siècles étaient à Paris et à Versailles. Or, il n'y a pas que Lully, Charpentier, Du Mont, Campra ou Rameau ! ». Et Jean-Marc Andrieu nous permet de redécouvrir ces compositeurs de grand talent, méconnus.

Crédits photographiques : © Alain Huc de Vaubert

(Visited 459 times, 1 visits today)