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Debussy et Toshio Hosokawa, dyptique poétique sous les doigts de Momo Kodama

Son dernier enregistrement associait déjà Takemitsu, Messiaen et Ravel, nous confirmant l'importance des influences réciproques entre les esthétiques occidentales et japonaises au XXe siècle. Aujourd'hui, la pianiste japonaise fait dialoguer et Debussy. Un programme construit subtilement et d'une grande poésie, malgré son aridité apparente.

met en regard les œuvres des deux compositeurs, comme des tableaux d'une exposition : parfois en opposition, telles ces pièces « percussives » que sont Anger (Hosokawa), sombre et violent, et Pour les notes répétées et Pour les Octaves (Debussy), lumineux ; parfois sans rupture de continuité comme 2 lines (Hosokawa) et Pour les Sonorités opposées (Debussy).

Composées au crépuscule de sa vie, les études de Debussy frappent par leur caractère visionnaire : tempi mouvants, audaces de construction, recherches sur les sonorités et les harmonies. Ici, les intervalles semblent suffire à susciter les émotions, sans besoin de recourir à des images extérieures (comme dans les plus célèbres Images ou Estampes) : romantisme des tierces, orientalisme des quartes, foisonnement féérique des degrés chromatiques. Cette recherche n'est pas dépourvue d'une ironie bienveillante à l'égard de l'étude comme exercice pianistique (Pour les cinq doigts d'après Monsieur Czerny).

Les six études de renouvellent le répertoire du compositeur japonais par ailleurs prolixe en musique orchestrale ou lyrique, influencées par des formes traditionnelles japonaises. Ici c'est le geste calligraphique qui est évoqué (Calligraphie, Point and Line), faisant émerger des motifs fugitifs à différents endroits du clavier par des jeux d'échos, et imbriquant des lignes mélodiques et des couleurs différentes. À cet égard la pièce Ayatory est une merveille : la musique se développe à partir de quelques motifs succints (gruppettos, trilles), prenant de l'ampleur progressivement allant jusqu'à faire résonner les registres les plus graves du piano. Il y a également un rapport au silence, à la pause et à la résonance du son qui peut évoquer le théâtre Nô, comme dans le très méditatif Lied, Melody.

sert ces pièces par une grande clarté de toucher et d'articulation, qualité spécialement nécessaire dans le mouvement perpétuel de Pour les huit doigts ou Pour les degrés chromatiques (Debussy). Ce jeu est associé à une pédale assez présente et à une capacité d'atténuer le son qui permettent les effets de lointains et de résonance si caractéristiques chez ces deux compositeurs. Une très belle expérience.

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