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Musique italienne pour la chambre et la chapelle au Festival Passions baroques

Un peu plus bref qu'à l'accoutumée, faute de crédits, le 4e Festival Passions Baroques s'achevait en beauté par deux programmes de musique italienne intimiste, instrumentale puis vocale, avec des solistes recherchés.

On ne présente plus , ce violoniste italien, grand spécialiste du violon baroque qu'il étudia à Genève avec Chiara Banchini, puis à La Haye avec Sigiswald Kuijken. Avec des concerts en soliste, ou avec son ensemble Aurora et comme chef d'orchestre à travers l'Europe et le monde, il partage son temps entre la recherche musicologique et l'enseignement entre Bologne et La Haye.

Ce grand maître du violon baroque possède une connaissance encyclopédique de la facture ancienne et aucun des luthiers italiens, allemands et hollandais du XVIe au XVIIIe siècle ne lui est étranger. C'est ainsi qu'il joue l'un des premiers violons hollandais de 1660 sur le modèle et le style d'Amati au XVIe siècle.

Parmi l'abondante littérature italienne des sonates pour violon, pour la chambre ou la chapelle, choisit de s'intéresser aux pièces les moins connues, hormis les pages de Corelli, qui toutes exigent une haute maîtrise de l'instrument et une virtuosité redoutable. Il n'en laisse rien paraître et avec son complice au clavecin, il évolue avec le plus grand naturel dans ces pièces subtiles et complexes.

Claviériste complet, ayant approfondi l'art difficile de l'improvisation et de la basse continue, est également compositeur. Maître ès diminutions, il forme un duo idéal avec . Il interprète en solo la vertigineuse 9e Toccata de Frescobaldi, ainsi qu'une étonnante Toccata en 8 mouvements de , un maître napolitain oublié à tort aujourd'hui, qui fut élève d'.

Parmi de nombreuses pépites, l'un des moments forts de ce récital intimiste fut une époustouflante chacone d' où le violon chante sur un ostinato du clavecin, puis s'envole en d'impressionnantes volutes pour revenir à la mélodie.

Le lendemain après-midi, Enrico Gatti participait avec à une passionnante causerie sur l'évolution du violon baroque et la musique italienne. L'ombre de Corelli plane sur cette période, bien qu'il existât quantité de musique intéressante avant lui. Pour Enrico Gatti, la fugue pour violon et continuo constitue le dernier souvenir de la canzon, qui reste dans l'imitation de la voix humaine.

Douces lamentations napolitaines

Le théâtre à l'italienne Olympe de Gouge accueillait en soirée le concert de clôture dédié à deux œuvres mariales napolitaines, le rare Salve Regina d' et le célèbre Stabat Mater de Pergolèse.

Une génération sépare ces deux ouvrages, mais on est surpris par leur proximité stylistique et de tonalité, notamment dans les introductions orchestrales. a choisi une formation légère de cinq instrumentistes : 2 violons et une basse continue formée d'un violoncelle, un orgue positif et un théorbe pour Scarlatti, augmentés d'un alto et d'une contrebasse pour Pergolèse. Une configuration périlleuse qui ne laisse la place à aucune approximation, peut-être plus conforme à ce que l'on pouvait entendre dans les chapelles napolitaines au XVIIIe siècle. On retrouve cette même configuration dans le bel enregistrement du Stabat Mater par Rinaldo Alessandrini avec son Concerto Italiano (Opus 111, 1998).

Sous la direction extrêmement précise de , les cordes des Passions sonnent avec une netteté millimétrée selon une densité sonore qui n'a rien à envier à un effectif plus étoffé. L'ensemble offre un superbe écrin sonore aux solistes, la soprano et le contre-ténor Paulin Bündgen, dont les timbres se marient admirablement dans une interprétation d'un grand raffinement. Les vocalises de dans le Ad te suspiramus du Salve Regina sont un régal et les invocations finales en duo O clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria nous émeuvent profondément. Outre les duos miraculeux constituant l'essentiel du Stabat Mater, on apprécie vivement les interventions de Paulin Bündgen aux aigus déchirants, Eia Mater, Fac ut portem

Paradoxe baroque de cette musique exprimant recueillement et douleur, avec des accents lyriques, on ressent une profonde délectation à son écoute. Même impression pour le public, lequel oubliant qu'il s'agit de musique sacrée, rappelle frénétiquement orchestre et soliste pour un bis. Et Jean-Marc Andrieu lui concède le dernier duo Quando corpus morietur (Et quand mon corps ne sera plus, fais qu'à mon âme soit accordée la grâce du paradis). On peut considérer que cette histoire est tellement incroyable, qu'il est nécessaire de la répéter pour l'intégrer mentalement.

Crédit photographiques : Enrico Gatti et   ; , et Paulin Bündgen © Alain Huc de Vaubert

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