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Le Festival de Pâques d’Aix en pleine effervescence

Pour sa 5e édition, le Festival de Pâques à Aix-en-Provence propose des affiches particulièrement séduisantes. Illustration par deux soirées fastes.

Mozart, Beethoven, Schubert

Une fois n'est pas coutume, était le pianiste de cette soirée, lui qui dirige la plus part du temps les plus grandes phalanges de la planète. C'est avec la célébrissime sonate « Le Printemps » de Beethoven que débute le programme. Tempo idéal, une alchimie organique s'instaure dès les premières mesures empreintes de tendresse et de fraîcheur. Le jeu solaire de exprime un bonheur palpable d'être sur scène. Il fait apprécier toute une palette lyrique qui force l'admiration. Cette version hautement évocatrice prend vie à travers un dialogue pétillant et enlevé avec le piano dont le toucher velouté s'illustre notamment dans l'Adagio, caractérisé par une esthétique d'une pure beauté. On est touché par la poésie qui se dégage de ce mouvement. La force narrative et l'architecture rondement menée de part et d'autre aboutissent à un Final convaincant.

Autre pièce de choix proposée ce soir, le Quatuor de Mozart K478, l'un des deux écrits par le maître de Salzburg et qui figure parmi les joyaux de son œuvre. Le piano y tient une place prépondérante et déroule une richesse expressive et dramatique. Une exposition brillante laisse entendre une unité évidente côté cordes. La présence charismatique de la violoncelliste mais aussi de l'altiste apportent une profondeur expressive avec des interventions fort à propos. Le premier mouvement met en lumière la densité des développements des thèmes tandis que les dynamiques sont portées avec verve dans un final quasi orchestral.

Après l'entracte, le quatuor est rejoint par le formidable contrebassiste pour le Quintette de Schubert en la majeur, « La Truite ». De bout en bout, nous assistons à une version homogène dans laquelle chacun s'écoute et tout le monde respire ensemble. Le cantabile d'Eschenbach, la générosité du violon de entraînent leurs compères dans un moment merveilleux de finesse et de raffinement expressif. Le public enthousiaste obtient son bis avec une reprise du fameux thème du quatrième mouvement.

Un concerto de Tchaïkovski résolument passionné

Le lendemain, la venue de la violoniste constituait un des nombreux événements très attendus pour la deuxième semaine du festival. Son interprétation racée du Concerto de Tchaïkovski aura démontré tout son talent.
Dès les premières mesures, la violoniste fait corps avec cette page si célèbre, démontrant ses affinités avec l'œuvre. Son vibrato au timbre suave dévoile non seulement une richesse de sonorités (quels aigus souverains et surtout quels dégradés dans les graves !) mais aussi une conduite inspirée qui révèle une maîtrise impressionnante du propos.

Dans l'Allegro initial mais surtout dans la Canzonetta, elle souligne le lyrisme mélancolique de la partition et ajoute une touche folklorique pleine de nostalgie. Sa virtuosité ne prend jamais le pas sur le fond et les échanges avec l'orchestre prennent des reliefs dramatiques passionnés. On n'en attendait pas moins de la part du chef , connu pour sa direction très physique. Il insuffle ici une énergie fougueuse à ses troupes.

La flexibilité des cordes, la beauté expressive des bois permettent des dialogues vibrants. Fenêtre ouverte sur l'âme russe, l'Andante con moto met à nu les sentiments de la violoniste, touchante de sincérité, pour libérer son feu intérieur dans un final de haute voltige. Le bis qu'elle offre au public, un extrait d'une partita de Bach, nous permet d'entendre à nouveau sa propre voix dans un tout autre registre.

Après la pause, les débats reprennent avec une œuvre étonnante de Dallapiccola, les Fragments symphoniques extraits de son ballet Marsia. Des éléments diatoniques se mêlent au langage dodécaphonique pour créer une succession de tableaux colorés et contrastés notamment dans l'utilisation des percussions.

Cette soirée s'achève avec les Tableaux d'une Exposition. C'est l'occasion d'entendre à nouveau le travail d'orfèvre de , auteur de cette version pour orchestre d'une œuvre à l'origine écrite pour le piano. Proche d'un état de transe, Noseda vit intensément la partition. On assiste à une version généreuse, clinquante, sans surprise du point de vue de la dramaturgie. La Grande Porte de Kiev résonne avec grandeur et un caractère magnanime. Baba Yaga est grinçante, presque dérangeante. Petit bémol avec la Promenade initiale, jouée forte avec lourdeur et des cuivres très réverbérants. Les épisodes les plus réussis sont les plus descriptifs, notamment Bydlo avec son avancée du cortège ou Le ballet des poussins qui piaillent avec frénésie. Sous l'ovation de la salle, les musiciens donnent en bis une page irrésistible de Manon Lescaux de Puccini.

Crédits photographiques : © Caroline Doutre

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