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Les Passions chantent un hymne franco chinois à l’univers

C'est dans l'écrin superbe de l'ancienne abbaye cistercienne de Belleperche, en bord de Garonne, que le festival toulousain Made in Asia accueillait une deuxième rencontre féconde entre Les Passions et des musiciens traditionnels chinois.

On se souvient en effet que ces mêmes artistes s'étaient déjà retrouvés au printemps 2012 au Théâtre du Capitole pour confronter et croiser musique baroque et traditionnelle chinoise en de riches échanges. À l'issue d'une résidence création de trois jours et d'un premier concert quelques jours avant dans la nouvelle salle du Metronium à Toulouse, consacrée aux musiques actuelles, la démarche paraît semblable, bien qu'elle diffère sur plusieurs points et aboutit à un résultat des plus étonnants.

Tout commence presque normalement lorsque la flûte à bec de entonne la très belle et méconnue 2e Récréation en musique de accompagnée par le violon de et le violoncelle de , soutenus par le continuo de au claviorganum, accouplant un clavecin et un orgue positif. Ils sont vite rejoints par les percussions de et le morin khuur à la voix plus grave de , qui s'agrègent au discours français du XVIIIe siècle. Le guzhen de , continue la conversation avec les cordes en pizzicati, assortis de petites percussions et grelots. Les variations autour de la pièce de Leclair s'éloignent du thème et l'on part vers une création inédite où chacun s'écoute et se répond avec un plaisir visible et où l'improvisation tient une part non négligeable.

À la tête d'un impressionnant instrumentarium de percussions, est une soliste hors pair à l'inventivité magique, qui pourrait tenir un récital à elle seule. Officiant aux timbales, tambours, caisses claires, cymbales, gongs, grelot, bols, balais brosse, ses évolutions forment une véritable chorégraphie sonore et visuelle. Avec une imagination infinie, elle utilise des feuilles d'aluminium, des grains de riz et de l'eau pour évoquer les quatre éléments omniprésents dans la poésie chinoise comme dans la musique baroque occidentale. Au terme de ses improvisations spectaculaires, elle retrouve ses compagnons en s'accordant sur la rythmique.

Joué avec des plectres et des mailloches, le guzhen de est une sorte de cithare sur table de la Chine du sud. Oscillant entre les univers modaux et tonaux, elle déplace les touches pour se retrouver en tempérament avec les instruments baroques, évoluant selon une grâce infinie et des sonorités multiples qui évoquent tantôt des clochettes, tantôt le cymbalum ou le clavecin.

Le jeune mongol fait des merveilles avec sa vièle à deux cordes, le morin khuur, qui révèle une étonnante musicalité. Mais c'est par le chant diphonique, venu du fond de la gorge, d'une formidable diversité, alternant plusieurs voix, des basses abyssales aux aigus célestes, parfois associées à la guimbarde, qu'il évoque l'immensité des steppes où résonnent les invocation chamaniques. Le violon et la flûte mêlent parfois leurs volutes à ce récit, tandis que le violoncelle double la vièle.

Avec leur souplesse habituelle, les musiciens des Passions impulsent des thèmes et se fondent dans l'ensemble pour une création contemporaine tout-à-fait originale.

Les univers s'éloignent et se rapprochent pour créer une musique globale, qui n'est plus orientale, ni occidentale, mais atteint une harmonie universelle. Belle démonstration d'un partage musical par delà les cultures à la veille d'un scrutin national, qui aurait pu mettre en péril cet esprit d'ouverture.

Photos : © Alain Huc de Vaubert et © F. Seret

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