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Bruno Giner : itinéraire d’un créateur épris de liberté

Nouveau titre de la collection Paroles aux éditions MF, La musique percute aborde l'univers sonore de , compositeur et musicographe, électron libre qui échappe aux catégorisations, répondant aux questions du cinéaste et musicologue .

Les deux hommes se connaissent bien puisqu'ils ont écrit à quatre mains un ouvrage sur la musique et les compositeurs durant la guerre civile en Espagne. Le sujet, celui des systèmes répressifs sur les arts et la musique, anime depuis près de quinze ans la réflexion et l'engagement de , lui-même petit-fils de peintre exilé. Hostile à tout « embrigadement » s'agissant de sa propre position de compositeur, c'est la liberté qu'il revendique, dans sa trajectoire de créateur comme dans sa manière d'écrire.

Formé très jeune à la guitare, cet « autodidacte par volonté » s'accommodera mal de la rigueur des institutions, préférant chercher les personnalités qui pourront nourrir ses questionnements en matière de composition. Si ne répond pas à son appel, l'accueille dans sa classe du Conservatoire de Paris où il acquiert une culture du son, enrichie, grâce à son professeur, d'un travail dans les studios du Groupe de Recherche Musicale (GRM) : « j'ai toujours eu une affection particulière pour les sons bruités, sales ou impurs » confie le compositeur de K, une oeuvre mixte de 1987 qui délimite d'emblée le terrain de ses investigations. S'y ajoute, à partir de 1995, la percussion, un domaine de prédilection qui fera naître des chefs-d'oeuvre comme les Etudes de peaux ou encore Images de peaux scellant une collaboration féconde avec l'immense percussionniste .

Au fil de l'entretien aussi fluide que réactif, nous fait entrer sur la pointe des pieds dans « l'atelier du compositeur », même si celui-ci rechigne à parler « cuisine ». Pour autant, il lève le voile sur certaines techniques numérologiques et autres cryptages secrets, avec l'alphabet morse notamment et les jeux de citations, « ses mythologies personnelles » dont il fait son miel. Il avoue écrire plus facilement dans une certaine forme d'urgence et, formulant l'exacte définition schaefférienne de la démarche concrète, il précise, s'agissant de son travail, que c'est « le matériau qui guide la forme et qui induit les techniques et les choix de l'écriture ». Notons qu'un précieux glossaire sur tous les termes techniques utilisés referme ce livre d'entretiens.

« Sur les traces de Weimar… », sixième et avant dernier chapitre, fait écho à l'activité étonnante de musicographe du compositeur. Trois ouvrages d'envergure – sur les neuf aujourd'hui recensés – traitent du thème de la persécution et de la déportation des musiciens sous le régime nazi. Leur répondent deux « formes opératiques », Charlie d'abord (2007), puis Pion prend Tour en D9 (2011), une immersion tardive autant que convaincante dans l'univers de la voix.

« Ni post-sériel, ni spectral, ni minimal ni acousmate, encore moins néo-tonal […] » : cette catégorisation par défaut, émaillée d'humour provocateur que Giner aime adopter (notons que le terme de « postmoderne » est évité !), campe la position d'électron libre de ce créateur et passeur – ses trente « œuvres pour l'apprentissage » sont éloquentes à ce titre ! – qui déclare aujourd'hui composer « comme bon me chante ! » La sortie concomitante d'un double CD monographique chez Musicub nous permet d'en juger.

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