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Exposition Mozart à Garnier, une passion française qui n’a pas traversé le périph’

Une scénographie très classique, différentes étapes selon un ordre chronologique assez convenu, une orientation centrée seulement sur les productions parisiennes et quelques-unes du Festival d'Aix-en-Provence… Le bilan en fin de parcours de l'exposition « événement » Mozart, une passion française, présentée à l'Opéra Garnier jusqu'au 24 septembre 2017, se révèle mitigé malgré quelques inédits et sa pièce maîtresse : la partition manuscrite autographe de Don Giovanni conservée à la à l'abri des curieux.

Autour de 140 pièces plutôt diverses, parfois rares, mais trop peu originales pour rehausser une impression modérée en fin de visite, la et l'Opéra Garnier organisent un parcours chronologique qui paraît bien terne au regard de la campagne promotionnelle de cet événement. Construit presque exclusivement autour des collections de ces deux institutions, cette exposition ne se limite en réalité qu'à une passion parisienne, avec toute de même quelques incursions (obligatoires !) à Aix-en-Provence où le festival de la ville organise depuis 69 ans sa programmation autour du compositeur salzbourgeois. La vie lyrique en régions, foisonnante, aurait pourtant mérité d'être mise en lumière à cette occasion. Source de la principale frustration du visiteur, cette orientation aurait donné certainement plus de saveur et d'originalité à une exposition se révélant somme toute peu marquante.

Mise en œuvre à l'occasion d'un nouveau cycle Mozart-Da Ponte à l'Opéra, la sélection des mises en scènes des opéras mozartiens depuis le XVIIIe siècle semble n'avoir pour objectif qu'une seule chose : la promotion d'une institution lyrique qui n'en a pas forcément besoin. Pourquoi autant insister sur le Così fan tutte très discutable de Teresa De Keersmaker ? Parce que cette production est reprogrammée pour la saison 2017-2018 ?

1763, 1766 et 1778 : les trois séjours du petit Mozart à Paris et Versailles

Chaque tête de gondole est parée d'un casque : le Kyrie KV 33 interprété par Concentus musicus sous la direction de (enregistré en 1995 à Vienne), le deuxième mouvement du Concerto pour flûte et harpe KV 299 joué par le sous la direction de (enregistré à Fribourg en 2005)… Mais entre la célébrissime gravure d'après Carmontelle Mozart père, son fils et sa fille (1764) et l'extrait vidéo de la série Mozart réalisé en 1982 par Marcel Bluwal, les véritables découvertes se comptent sur les doigts d'une seule main dans cette première étape du parcours. Le premier recueil de sonates pour le clavecin K. 6 et 7 publié en France, exemplaire personnel de la fille de Louis XV qui fait l'objet de la dédicace de Mozart, retrace pourtant bien l'impact de ce premier voyage long de trois ans sur la production musicale du jeune prodige seulement âgé de 7 ans au début de ce périple. Mais avouons-le, la lecture de la lettre autographe de Voltaire répond bien plus à notre gourmandise ; l'écrivain-philosophe n'ayant pas pu assister en 1766 au concert du jeune salzbourgeois « Mazar », celui-ci étant « très malade quand ce phénomène a brillé sur le noir horizon de Genève. »

Grâce à Friedrich Melchior Grimm, les portes des grandes maisons aristocratiques s'ouvrent ainsi au petit Mozart et à sa famille. Preuve en est avec l'huile sur toile de Michel Bartélémy Ollivier intitulée Le thé à l'anglaise dans le salon de quatre glaces où le jeune Mozart se produit devant la cour du prince de Conti, l'un des plus grands mécènes de son temps et fin mélomane. Le dispositif détaillant la présence d'éminents personnages représentés sur cette toile illustre avec pédagogie l'effervescence autour de l'enfant prodige. Mais encore une fois, l'attention se porte davantage au catalogue déjà consistant des œuvres du petit musicien composées jusqu'en 1768, manuscrit autographe de son père Léopold de plus de 250 ans.

Malgré la mort de sa mère durant le dernier séjour parisien, cette tournée finale est marquée par la composition de la symphonie dite « parisienne » (Symphonie à deux violons, alto et basse, deux hautbois, deux cors, deux clarinettes, deux flûtes, deux bassons, trompette et timbale ad libitum, K. 297) commandée par Joseph Legros et « applaudie unanimement » selon son auteur. La partition imprimée de 1778 trône fièrement dans l'une des multiples vitrines de l'exposition, proche de celle exposant une lettre autographe de Mozart datant du 20 juillet 1778, fort amusante, adressée à sa sœur Nannerl et rédigée sur l'enveloppe d'une lettre destinée à son père.

1796-1830 : La musique de Mozart adaptée au goût français

De son vivant, force est de constater que l'influence mozartienne n'a pas véritablement suscité d'enthousiasme à Paris et son entrée au répertoire de l'Opéra en 1793 avec une adaptation française des Nozze di Figaro se révèle être un véritable échec. Toutefois, à l'inverse des explications données par l'un des textes de présentation, les circonstances politiques de cette époque ne sont pas les raisons de ce revers puisque, bien qu'adaptée à l'élan patriotique qui enflammait le quotidien des français, l'activité lyrique et théâtrale était particulièrement prolifique à Paris à la fin du XVIIIe siècle.

Alors que la salle consacrée aux théâtres lyriques parisiens entre 1778-1873 suscite peu d'intérêt, questionnant même sur la nécessité de ces éléments de contexte, les maquettes de décors de Charles Percier (1764-1838) pour Les Mystères d'Isis présenté à l'Opéra de Paris, constituent un précieux témoignage de l'adaptation des ouvrages mozartiens pour répondre au goût du public français. Cette parodie française de Die Zauberflöte transformée en un grand opéra de quatre actes, précéda une réadaptation en 1805 de Don Giovanni, opéra réorchestré et agrémenté de ballets dont les difficultés d'approches des professionnels français comme des spectateurs lambda sont mises en exergues par les différents témoignages retranscrits dans cette exposition et soutenus par plusieurs portraits des interprètes ayant participé à la première. Entre le solo de cor inséré par le premier corniste Frédéric Duvernoy dans les ballets qui succèdent à la scène du festin, et les défections lors des répétitions de plusieurs chanteurs effrayés par les difficultés de la partition, le « tintamarre confus » du « barbare Mozart » a du mal à se faire une place sur la scène lyrique parisienne. La réticence du directeur de l'Opéra à programmer l'adaptation de Così fan tutte (Les Amants napolitains) s'inscrit dans cette dynamique alors que le Théâtre de la Cité, rebaptisé pour l'occasion « Théâtre Mozart », accueille une troupe allemande qui présente Die Entführung aus dem Serail en version originale, avec la belle-sœur de Mozart dans le rôle de Constanze. Doit-on en conclure que les réserves sont propres à l'Opéra de Paris ?

L'une des faiblesses de cette exposition reste la maigre représentation de la musique religieuse et instrumentale du compositeur. Seul un pan de mur évoque la première exécution française du Requiem, sous la direction de à l'église Saint-Germain-l'Auxerrois (Paris) le 21 décembre 1804, ainsi que les symphonies viennoises jouées lors des « Exercices des élèves du Conservatoire » à partir de 1807. Quelques lignes sur l'adaptation des Nozze di Figaro par le librettiste présentée au public nîmois en 1818, et nous voilà repartis sur la scène lyrique de l'Opéra de Paris, et parfois aixoises.

Du XVIIIe siècle au XXIe siècle : la scénographie mozartienne à Paris et Aix-en-Provence

L'incursion des ouvrages lyriques de Mozart en version originale dans le répertoire de cette institution se fait par étape et cela grâce à son directeur , influencé par le succès du Festival d'Art lyrique d'Aix-en-Provence dont la programmation se fonde à partir de 1948 sur la redécouverte des opéras de Mozart en langue originale. L'aura des partitions du Salzbourgeois grandissante, elle bénéficie au fur et à mesure des meilleurs interprètes, des meilleurs décorateurs, des meilleurs chefs d'orchestres (dont seul est mis en avant dans la vidéo finale) et de grands metteurs en scène contemporains de renoms.

Très rarement exposée, la partition manuscrite de Don Giovanni reste la pièce phare de l'exposition. Acquis en 1855 à Londres par la cantatrice , ce manuscrit rédigé d'un jet par Mozart (sans ratures !), rassemble la version créée à Prague en 1787 et quelques-unes des variantes introduites pour la reprise viennoise en 1788. À l'occasion du centenaire de la création de Don Giovanni (1887), l'Opéra de Paris proposait aux visiteurs une exposition dont cette partition était la pièce maîtresse. La revoilà 130 ans après !

Autour de cette vitrine, ce parcours est scindé par la mise en lumière de cinq grands opéras : Die Entführung aus dem Serail avec le costume de Constance de Charles Bianchini porté par Jeanne Lindsay sur la scène de l'Opéra en 1903 et les maquettes de costumes d'Henry-Raymond Fost pour les représentations à l'Opéra-Comique de 1946 ; Don Giovanni avec notamment le costume de Don Juan de Jacques Marillier porté par Ernest Blanc à l'Opéra de Paris en 1956 et les notes et croquis de dessins pour la mise en scène de Jacques Rouché présenté à l'Opéra en 1934 ; Così fan tutte avec le film réalisé par Laurent Sarazin sur les répétitions au Palais Garnier de la production Jordan/De Keersmaeker ou des photographies de la mise en scène de Patrice Chéreau en 2005 ; Die Zauberflöte avec des photographies de la mise en scène de Robert Carsen présentée la saison dernière à l'Opéra Bastille ; et enfin Les Nozze Di Figaro avec le costume en velours, en soie et en taffetas de Chérubin porté par lors de la reprise des Noces de Figaro à l'Opéra de Paris en 1990, ou la partition imprimée du quadrille d'Eugène Mathieu composée sur le chef-d'œuvre de Mozart. Les vitrines se succèdent, et une question se pose : est-ce en l'honneur du génie salzbourgeois ou à la gloire de l'Opéra de Paris ?

Crédits photographiques : Chapelain-Midy, Projet de décor pour « La Reine de la Nuit », tableau 2, 1954. Bnf, département de la Musique, Bibliothèque-musée de l'Opéra © ADAGP, Paris, 2017 – Lettre autographe de Mozart datant du 20 juillet 1778 adressée à sa sœur Nannerl et rédigée sur l'enveloppe d'une lettre destinée à son père ; exposition « Mozart, une passion française » au Palais Garnier ; partition manuscrite de « Don Giovanni  » acquise en 1855 à Londres par  © Christophe Pelé/ONP

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