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Avec Anna Netrebko, Macbeth sans éclats au Royal Opera House

Attendu comme l'un des événements lyriques de la saison, le Macbeth de Verdi au Royal Opera House de Londres laisse un goût amer, tant par le chant plus que décevant que par une mise en scène vieille de seize ans pour laquelle ce revival n'était pas nécessaire. ne parvient plus à contrôler la largeur de sa voix pour Lady Macbeth, quand n'a définitivement plus rien à raconter dans le rôle-titre.

Les pays anglo-saxons ne sont pas réputés pour le dynamisme de leurs productions scéniques, pourtant La Maison des Morts de la veille avait aiguisé notre appétit pour ce qui s'annonçait comme l'une des grandes représentations lyrique de l'année, avant tout par la présence de la soprano , exceptionnelle Lady Macbeth à Munich puis au Metropolitan Opera de New-York quatre ans plus tôt, encore magnifique en 2016 à la Bayerische Staatsoper.

Depuis, son chant s'est chaque année un peu plus élargi, et s'il est évident qu'il ne faut pas une voix fluette pour ce rôle très difficile, il faut encore pouvoir aborder avec souplesse toutes les vocalises écrites par Verdi au début de sa période de maturité. L'ajout de l'air La luce Langue pour Paris vingt ans plus tard procure sans doute l'un des plus beaux moments de cette soirée londonienne, avec le superbe Una macchia è qui tuttora ! à l'acte IV. Pour le reste, la voix manque maintenant d'agilité dans toutes les parties belcantistes et si la lecture de la lettre surprend déjà par le timbre de la chanteuse encore plus sombre qu'auparavant, l'air ensuite manque de contrôle dans la puissance de la voix.

Malheureusement, Netrebko n'est pas particulièrement aidée par des partenaires qu'elle dépasse tous, à commencer par le Macbeth sonore mais encore plus gris et neutre qu'auparavant de . On regrette qu'il n'ait été remplacé par le Banquo du soir, la star , lui aussi cependant quelque peu en difficulté dès son air d'entrée à cause d'un style vocal peu adapté au rôle. Évidemment, la chanteuse a également imposé son mari Yusif Eyvasov, parfois seulement en seconde distribution, comme l'an prochain sur cette même scène dans Forza del Destino, mais ici bien présent pour un Macduff sans la moindre finesse, bien loin de l'exceptionnel Joseph Calleja, ou même de la délicatesse d'un Jean-François Borras. Il ne reste alors qu'à se consoler avec la Lady de , d'une belle couleur dans le bas-médium, et le Dottore aux graves profonds de . livre un Duncan correct scéniquement et un Malcolm engagé, tandis que le jeune offre un beau fils à Banquo.

Arrivé après avoir passé de nombreuses années à la Deutsche Oper Berlin, s'est déjà fait oublier de la capitale allemande tant son remplaçant anglais, l'excellent Jeremy Bines en provenance de Glyndebourne, a fait exploser la qualité du chœur germanique. Spaulding a donc fort à prouver à Covent Garden, et ce n'est pas cette prestation du qui le lui permettra. Car rarement le Chœur a été entendu aussi peu en place, dès l'apparition des sorcières au I, ni aussi peu chaleureux, pas vraiment aidé non plus par la direction en manque d'accents d'. Le chef connaît certes son Verdi, mais il semble ajouter à son goût pour la lenteur le besoin de soutenir en permanence par des tempi allongés les deux artistes principaux du plateau. L'orchestre bénéficie tout de même de belles couleurs dans les cordes et certains bois, notamment un magnifique basson solo.

Pour cet événement lyrique, pas de nouvelle mise en scène, mais la reprise d'une production vieille de seize ans de Phyllida Lloyd, créée au Royal Opera House l'année de la prise de fonction du directeur musical encore en fosse aujourd'hui. Remise au goût du jour par Daniel Dooner, la proposition associe des décors massifs et dorés à des costumes traditionnels, dont ceux, dorés eux-aussi à l'occasion, de Macbeth et sa femme. À droite de la scène, un robinet en guise de fontaine a la mauvaise idée de couler à grand bruit sans pouvoir être véritablement arrêté ensuite. À part la notion christique utilisée dès la mort du roi à l'acte I jusqu'à la scène finale (avec le chœur du Vittoria ! composé pour Paris), aucune véritable idée ne vient émailler cette représentation, au moment même où l'Opéra de Lyon reprenait son intéressante et questionneuse production d'Ivo van Hove.

Sans doute est-ce aussi cela la magie à l'opéra : les stars ne font pas toujours des grands soirs !

Crédits photographiques : © ROH Bill Cooper

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