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Le tremblement de terre très plastique du Poème Harmonique à Rouen

Pour la quatrième saison baroque de la Chapelle Corneille, proposait Il terremoto d'. Une méditation musicale pour coller à l'actualité de Pâques qui donne au public rouennais le plaisir de belles voix, mais aussi la certaine froideur d'une interprétation très esthétique.

Dans la série des Sepolcri, Il Terremoto d' tient une place d'autant plus originale dans les méditations du Vendredi Saint, que tourner autour du thème du tremblement de terre, musicalement fort riche, n'est pas une contemplation de prime abord inépuisable. L'Italien, abordant la question spirituelle par maintes approches musicales, nous laisse pourtant pantois devant une telle profusion de richesses, pour ce qui semblait n'être qu'un détail du récit évangélique. Donné par de , dans la Chapelle Corneille, c'est, selon la coutume de l'ensemble, dans une interprétation résolument d'époque (jusque dans la prononciation du récitant) que le public est plongé. Et à cet exercice de « reconstitution », la difficile acoustique de la chapelle se prête parfaitement. Si le décor baroque du chœur sert d'écrin magnifique, sait, pour sa part, parfaitement composer avec une « salle » dont l'acoustique réduit souvent les ensembles un peu volumineux à une bouillie musicale. Ce soir, il n'en est rien, et les tutti fortissimi eux-mêmes savent profiter de cette particularité acoustique qui permet de distinguer chaque musicien, isolément. Une exigence musicale qui suppose pour chacun une double qualité de soliste et de musicien d'ensemble.

Le revers est qu'une approximation ne pardonne pas, et c'est là que cette soirée, certes plaisante, n'est peut-être pas à la hauteur d'un tel ensemble. Si les voix sont superbes, quoiqu'un peu faible pour le contre-ténor , les instrumentistes pèchent par de nombreuses imperfections. La Chapelle Corneille ne pardonne pas l'approximation du détail. Dès les premières mesures, les violes de gambe manquent d'unité et d'ensemble. Trop présentes, malgré la beauté de leur profondeur, elles dominent presque chaque intervention du contre-ténor. Mais le plus gênant est sans doute le jeu d'archet des violons dont on perçoit chaque retour pleurer sur les cordes.

L'ensemble est fort agréablement compensé par la beauté des voix et notamment des basses, mais, comme pour l'orchestre, le jeu d'une parfaite technique vocale demeure très plastique. Certes, le sentimentalisme romantique n'eût pas été de mise, mais l'idée de ces sepolcri n'est-elle pas d'exprimer le mystère à travers l'intime des personnages ? Or les instrumentistes enchaînent plus des notes qu'ils ne conduisent une ligne musicale (indépendamment de la qualité de jeu, du reste). L'interprétation des solistes, bien qu'esthétiquement superbe, met une telle distance entre le texte et le vécu qu'il nous semble assister à une suite de récitatifs racontant plus que ne vivant les personnages. Une soirée donc en demi-teinte dont on espérait mieux à l'annonce de l'affiche.

Crédit photographique : © Sylvie Cochet

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