- ResMusica - https://www.resmusica.com -

La poésie d’Adam Laloum dans les deux concertos de Brahms

C'est avec une audace certaine qu'à peine trentenaire, s'attaque aux sommets de la littérature romantique que sont les deux concertos de Brahms, qui comptent parmi les plus longs et les plus exigeants du répertoire.

On connaît le goût du pianiste toulousain pour la musique de Brahms, avec lequel il avait débuté son parcours discographique en 2010, largement prolongé ensuite dans le domaine de la musique romantique allemande.

Le Concerto n° 1 en ré mineur connut une longue gestation où la forme évolua d'une sonate à deux pianos, à une ébauche de symphonie, avant de devenir concerto. Composé en 1854 par un Brahms de vingt et un ans, il suivait de peu la rencontre décisive du compositeur avec Robert Schumann et sa femme Clara. Brahms fut profondément marqué par la maladie mentale puis la mort de Schumann, à tel point que l'adagio fut considéré comme un requiem instrumental à sa mémoire. D'ailleurs, y décèle une formule schumanienne désignant Clara, utilisée notamment dans la Fantaisie op. 17 en ut majeur. Laloum aborde ce monument massif plus en artiste qu'en athlète, avec une densité sonore et une intériorité expressive selon une interprétation plus séduisante qu'impressionnante. Il souligne le caractère dansant, émaillé d'une pointe d'humour, du rondo-sonate final où les conflits et les abîmes initiaux semblent oubliés.

En 1859, ce concerto fut la première œuvre orchestrale de Brahms à être jouée en public. Il fallut un certain nombre d'années pour qu'il soit apprécié du public.

Plus tardif de 24 ans et plus automnal, doté d'une écriture plus fantaisiste que le Premier Concerto, le Deuxième Concerto en quatre mouvements présente d'énormes difficultés, tant pour le pianiste que pour l'orchestre. en dégage un extraordinaire sentiment de noblesse, beaucoup d'humanité et un finale plutôt humoristique. Il se libère davantage, épousant les humeurs changeantes de la partition avec de superbes couleurs et délicatesses de phrasés et de rythmes, y compris dans les moments forts. Nous sommes loin du dialogue de titans entre Edwin Fischer et Wilhelm Furtwängler à Berlin en 1942, et sans oublier la superbe vision de Nelson Freire avec Riccardo Chailly et le Gewandhaus de Leipzig (Decca) ; Adam Laloum et proposent toutefois une construction élégiaque et de toute beauté de ce monument, qui fut considéré à sa création comme « une symphonie avec piano obligé ».

Avec un Orchestre Symphonique de la Radio de Berlin totalement à son affaire dans un répertoire qu'il maîtrise parfaitement, le chef , qui remporta le concours de Besançon en 2009, préfère le lyrisme à l'héroïsme, quitte à paraître trop mesuré dans les moments puissants, comme la sombre introduction du Premier concerto.

Un album atypique, qui décevra les tenants d'un pianisme puissant, mais renouvelle l'écoute de ces deux chefs-d'œuvre romantiques.

(Visited 1 514 times, 1 visits today)