- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Un Pelléas un peu trop prosaïque à Bâle

Plutôt que la mise en scène, c'est la Mélisande d' qui fait le prix de cette première.

Pour ouvrir sa saison lyrique, le Théâtre de Bâle propose une nouvelle production de Pelléas et Mélisande, confiée à la jeune metteuse en scène , qui n'est nouvelle qu'à moitié : en avril 2017, celle-ci avait déjà mis en scène Pelléas, à Oslo, en remplacement de Simon Stone initialement prévu. Visuellement, les deux spectacles n'ont rien à voir : les décors clairs et cliniques d'Oslo ont laissé place à une atmosphère où le noir domine tout. La forêt du début de l'opéra est constituée de traverses en vrac, qui prennent forme au fil des scènes pour devenir d'abord une maison réduite à sa structure, puis une véritable maison, avant de suivre le chemin inverse et redevenir traverses au cinquième acte. Dès l'installation du public, puis entre certaines scènes, des vidéos presque immobiles voient les personnages plongés dans l'eau, seuls ou à deux : les vidéos New Age de Bill Viola pour Tristan ne sont pas loin, mais la relative brièveté de leur apparition ne les laisse pas aller jusqu'au kitsch.

Dans l'idée qu'elle se fait de l'œuvre, la metteuse en scène semble à l'inverse avoir peu ou prou gardé les mêmes points de départ. Une Mélisande traumatisée au lever du rideau, du sang tachant sa robe blanche entre les jambes : elle a fait ses armes notamment comme assistante de Calixto Bieito, et on retrouve dans ce spectacle l'usage du sang et d'une corporéité à fleur de peau. Elle a aussi travaillé avec David Bösch, et on en retrouve une tonalité visuelle générale. Mais on ne retrouve pas dans le spectacle leur profondeur analytique et leur capacité de faire voir par des moyens simples les enjeux complexes de l'œuvre.

Il se passe beaucoup de choses sur scène, beaucoup de figurants ou de personnages étrangers à la scène en cours sont là pour anticiper sur l'action (la future naissance de la fille de Mélisande) ou pour faire allusion de manière volontairement mystérieuse à des événements passés, mais tout cela ne construit ni un sens ni même un cadre qui donnerait une résonance supplémentaire à ce que dit l'œuvre. La manière dont la mort de Pelléas se transforme en un long corps-à-corps (Golaud attaque avant la dernière réplique de Pelléas !) n'est pas le seul moment un peu ridicule de la soirée.

Dans la distribution réunie à Bâle, est de très loin la meilleure, d'abord grâce à un travail remarquable sur le texte, ensuite par une musicalité lyrique et intense qui émeut profondément. Autour d'elle, à l'exception d'un(e) Yniold dépassé(e) par le texte et par la partition, la distribution ne démérite pas, mais manque de personnalité, à l'image d'un Golaud () sans profondeur ; le meilleur est sans doute , Pelléas ténor en difficulté dans la scène de la Fontaine des Aveugles, mais lyrique et émouvant. Dans la fosse, dirige un Pelléas à l'image du spectacle scénique qui l'accompagne : on dresse souvent l'oreille pour le traitement original de tel ou tel passage, et l'ensemble fait preuve de qualités théâtrales certaines, mais les estompages impressionnistes ne sont pas à l'ordre du jour.

Crédits photographiques : © Priska Ketterer

(Visited 771 times, 1 visits today)