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Les miroirs d’Elsa Dreisig : une fabuleuse carte de visite

Pour son premier récital discographique a choisi un programme particulièrement passionnant. Mais il n'y a pas que le programme qui fascine.

On sait depuis un moment que la soprano compte parmi les plus grands espoirs du chant français. Son premier récital discographique, pourtant, montre bien plus. Voilà une jeune chanteuse en plein épanouissement qui, si elle ne brûle pas les étapes, est promise à une grande et brillante carrière.

Le récital, disons-le tout suite, est une grande réussite. Le programme d'abord. Sous le titre « Miroir(s) », Dreisig nous présente quatre des héroïnes les plus connues du monde lyrique : Manon, Rosine, Juliette et Salomé. Mais la jeune soprano ne se contente pas d'aligner des airs connus. Elle met, au contraire, ces personnages « en miroir » en nous offrant à chaque fois deux approches bien différentes. Nous entendons donc les Manon de Puccini et de Massenet, les Rosine de Rossini et de Mozart ainsi que les Salomé de Massenet de Strauss, cette dernière présentée dans la rare version française établie par le compositeur lui-même. Quant à Juliette, la découverte est double. L'air du poison, tiré de l'opéra de Gounod, est ici présenté dans une version originale peu connue et confronté à un air d'un certain Daniel Steibelt, contemporain de Méhul et Cherubini. À ces extraits s'ajoutent deux airs de miroir proprement dit : le grand air de Thaïs et les fameux bijoux de Marguerite.

Mais, comme nous le disions en introduction, ce n'est pas que le programme qui fascine. Voilà une voix d'une grande beauté, jeune, lumineuse, capable de soutenir une tessiture de presque trois octaves. L'émission, homogène de bout à bout, ne trahit aucun effort. Les vocalises sont faciles, le médium rond et les aigus radieux. Sans parler d'une diction toujours nette, en français comme en italien.

Mais ce récital – d'ailleurs soigneusement accompagné par l' sous la direction sensible de – ne se cantonne nullement à une démonstration de savoir-faire technique. parvient, au contraire, à nous intéresser à ses personnages même si l'extrait dure à peine cinq minutes. Marguerite juvénile, Juliette angoissée, Salomé sensuelle, Rosine tour à tour espiègle et mélancolique – ce récital nous fait traverser tous les sentiments dont l'âme humaine soit capable.

Ne nous trompons pas, pourtant. Ni la Manon de Puccini ni la Salomé de Strauss ne sont encore à la portée de cette voix essentiellement lyrique – et probablement Thaïs non plus. Pour le moment, il s'agit d'un exercice de studio, et la soprano le sait. Mais les voix évoluent, et les rêves sont permis. D'autant plus quand il s'agit de rêves tellement beaux.

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