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Tarare de Salieri à la Philharmonie de Paris

Exhumé par et le , ce Tarare de Salieri peine à convaincre totalement. 

Rareté n'est pas synonyme de qualité, et cet opéra, contemporain du Don Giovanni de Mozart, serait probablement resté dans l'oubli s'il ne s'intégrait dans un projet discographique comprenant les trois opéras français de Salieri (Les Danaïdes en 2013, Les Horaces en 2016 et Tarare à paraître prochainement). L'histoire de Tarare est un peu mouvementée puisque la naissance du projet remonte à la rencontre de Salieri et de Beaumarchais, au lendemain des créations du Mariage de Figaro et des Danaïdes en 1784, pour aboutir finalement à une création triomphale à l'Académie royale de musique à Paris, le 7 juin 1787, reprise à Vienne un an plus tard dans la version italienne de Da Ponte. Disparu de la scène en 1828, il ne fut donné ensuite que de façon sporadique dans des versions volontiers modifiées pour s'adapter au « politiquement correct » du temps.

La modernité brûlante de son livret, annonçant la Révolution qui éclatera deux ans plus tard, est sans doute un de ses atouts majeurs. On y assiste au renversement du tyran Atar par une armée de soldats et d'esclaves et au couronnement de Tarare, personnage directement issu de l'esprit des Lumières, guidé par la justice, l'amour et les lois. Beaumarchais y poursuit sa critique politique avec une virulence accrue en s'attaquant, cette fois délibérément, à la Monarchie et à l'Église sous couvert d'un mélange trompeur d'intrigue amoureuse, de farce, de discours politique, le tout hésitant entre tragédie lyrique et opéra-comique. Mélange, avouons-le, un peu indigeste où l'ambition politique et sociale est souvent pénalisée par des vers de mirliton qui contrastent avec la grandeur et l'ambition du propos.

D'un point de vue musical, il faut bien reconnaître que chacun fait ce qu'il peut avec ce qu'il a… En commençant par . Sa direction fougueuse peine à donner des couleurs à ses Talens Lyriques dont la sonorité reste terne et le phrasé assez plat, se contentant d'un rôle d'accompagnateur valeureux, soucieux de maintenir un parfait équilibre avec les chanteurs.

La distribution vocale sauve un peu la mise. campe un Tarare plein de charme et d'humanisme à la diction parfaite, à la puissance mesurée et au sublime legato, malgré quelques difficultés dans le suraigu. Face à lui, incarne un Atar plein de hargne, servi par une belle projection, une diction sans faille et un engagement scénique qui sait donner corps au personnage. séduit, tant en Génie du Feu par son charisme, qu'en noir Arthénée par la profondeur de son baryton. confirme la justesse d'une belle carrière débutante par la qualité de son timbre et ses qualités d'acteur dans un mémorable et irrésistible « povero Calpigi » de l'acte III. Chez les femmes, malgré son rôle modeste (Astasie) fait preuve d'une vocalité un peu forcée, tandis que la ligne de chant de (La Nature et Spinette) parait bien instable. En revanche on saluera la présence de jeunes chanteurs dont il faudra suivre l'évolution, comme , , Marine Lafdal-Franc ou Danaé Monnié, tous particulièrement remarquables.

Les Chantres du CMBV ne déparent pas dans cette distribution, exemplaires par leur cohésion, la précision des attaques et la beauté de leur sonorité.

En bref, un opéra qui sera pour beaucoup une découverte, anecdotique, mais qui ne saurait redorer le blason d' en tant que compositeur.

Crédit photographique : © Philippe Delval

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