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Maria Stuarda au TCE : au bout de soi-même

Pour ce concert très attendu de la saison, l'opéra de Donizetti Maria Stuarda devait voir les évolutions de Joyce DiDonato dans le rôle-titre. Souffrante, elle a permis à de revenir sur les planches parisiennes pour une consumation l'amenant aux extrêmes de sa voix.

En effet, cela faisait des années que la voix du soprano toscan n'avait pas résonné dans la capitale française et les applaudissements nourris à la fin de son air d'entrée laissaient entendre l'affection immense qu'a le public parisien pour elle. En se confrontant au rôle très lyrique de Maria Stuarda (qu'elle connaissait déjà par ailleurs pour l'avoir interprété à Avignon), elle était face aux monstres du passé (entre les reines Leyla Gencer ou Montserrat Caballé, pour ne citer qu'elles) et face à elle-même. La voix a, avec le temps, perdu de sa brillance dans l'extrême aigu (mais elle offre néanmoins les contre-notes attendues) sans pour autant gagner beaucoup de corps dans le médium ou le grave. C'est donc par un travail d'intelligence extrême qu'elle a construit son chant, avec une économie de moyens rare et avec sa connaissance des règles du bel canto, favorisant toujours une très belle ligne avec un legato exemplaire, des phrases très subtilement distillées et un engagement théâtral impressionnant. La fatigue se perçoit parfois, mais la chanteuse ne se trahit jamais et ne nous ment pas en livrant une très grande leçon artistique.

Sa rivale, incarné par , pourrait chanter deux fois dans la même soirée le rôle d'Elisabetta tant la voix est saine, projetée, et très contrastée par rapport à la vaporeuse et mélancolique . ayant déjà chanté ce rôle in loco en version scénique, l'engagement est sensiblement tout aussi important que si elle avait porté costumes et maquillage.

, dans le rôle de Leicester, est aussi plaisant à regarder qu'agréable à écouter et le ténor sicilien le sait bien. Il joue de ses postures physiques viriles tout en claironnant son rôle, manquant parfois d'une inflexion tendre et amoureuse alors que le rôle l'y invite de façon constante. S'illustrant surtout jusqu'alors dans Rossini (comme récemment dans La Donna del Lago), il semble vouloir lorgner du côté de la tessiture de ténor lyrique dans laquelle Donizetti situe souvent ses premiers rôles masculins : Verdi n'y gagnera rien là où Rossini perdra une vraie découverte vocale.

L' est dirigé par . C'est parfois bien senti mais il y a de nombreux raccords – peut être dus à la défection à la dernière minute de Joyce DiDonato – qui sont ratés, voire malheureux (comme le terzetto de l'acte 3 entre Elisabetta, Cecil et Leicester qui a de nombreux décalages).

Pour ce concert, on pouvait attendre le combat entre deux reines du chant ; avec , nous aurons eu, au-delà de cela, la noblesse du cœur.

Crédit photographique : Patrizia Ciofi © Orfeacomprod

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