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Michael Tilson Thomas et l’Orchestre de Paris, leur première fois

Pour cette première rencontre avec l', le chef américain , rarement présent sur les scènes françaises, séduit par la justesse de son interprétation et l'équilibre de sa direction.

Les débuts tardifs et très attendus de face à la phalange parisienne prennent, ce soir, une dimension d'événement musical en soi compte tenu de la notoriété du chef américain qui occupe depuis plus de 25 ans la direction musicale de l'Orchestre symphonique de San Francisco, poste qu'il abandonnera en 2020, remplacé par Esa-Pekka Salonen. Foule des grands soirs donc dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie, et un engouement certain du public, majoré encore par la présence sur scène de la talentueuse et attrayante pianiste chinoise , en soliste, dans un programme cohérent, éminemment romantique, bien que sans surprise, convoquant Berlioz, Schumann et Brahms.

, dans ses Mémoires, donnaient les consignes d'interprétation concernant l'Ouverture du Carnaval Romain : « précision, brio, turbulences bien réglées ». À l'évidence a bien retenu la leçon tant sa lecture séduit dès les premières mesures par sa lumineuse clarté, ses couleurs et ses contrastes alternant lyrisme dans la cantilène de Cellini (magnifique cor anglais de Gildas Prado) et engagement jubilatoire dans le très dansant saltarello (altos, cuivres et percussions).

Le Concerto pour piano de donne ensuite l'occasion à de faire son entrée sur scène dans une magnifique robe rouge, mettant ainsi en parfaite adéquation ramage et plumage, tant l'interprétation qui nous est donnée de ce concerto, tout imprégné de l'amour de Robert et Clara, parait magistrale. Loin de faire montre d'une quelconque virtuosité exubérante ou ostentatoire, parvient à se lover avec beaucoup de poésie dans les méandres amoureux du premier mouvement Allegro affetuoso, conduit comme un dialogue entre les vents (clarinette de et hautbois de Michel Bénet) et un piano tantôt confident, tantôt plus véhément et passionné, mais jamais dur, au gré des différentes variations sur le thème de Clara conduisant à la cadence où la soliste laisse, enfin, transparaître toute sa virtuosité. Seul l'Intermezzo central, où se distinguent de superbes violoncelles, déçoit un peu par son manque de corps et son tempo trop lent, avant que le Final ne renoue avec un piano conquérant sur un rythme de valse. En bref, une lecture irréprochable, un accompagnement complice et des performances individuelles de haut niveau. Au terme d'un long rappel, la pianiste offre au public deux bis : une Romance sans paroles (livre 6 op. 67 n° 2) de Mendelssohn et un extrait du Spanisches Liederspiel (op. 74 n° 10) de Schumann dans une transcription pour piano de Carl Tausig.

La Symphonie n° 2 de est souvent considérée comme la plus immédiatement séductrice, la plus pastorale et la plus lumineuse du corpus symphonique brahmsien. Une conception assez réductrice qui semble faire peu de cas de l'ambiguïté de cette œuvre où se côtoient intimement la douceur du Wörtersee en Autriche où elle fut composée en 1877, et la sombre et rude puissance du Nord de l'Allemagne où naquit Brahms. Une ambivalence qui constitue en permanence la feuille de route du chef, alliant dans un subtil équilibre un phrasé souple riche en nuances, une sonorité ample, une transparence de texture valorisant les nombreux contre chants, et une dynamique tendue ne cédant jamais le pas à une quelconque mièvrerie. Une lecture juste dans le ton, tout à fait brahmsienne, servie par une phalange parisienne à son meilleur où se distinguent tout particulièrement le cor solo de Benoit de Barsony, l'excellente petite harmonie déjà citée et un très beau pupitre de violoncelles.

Crédit photographique : Michael Tilson Thomas © Kristen Loken

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