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Des compositrices à l’affiche de l’Ensemble 2e2m

Que des dames ! C'est le mot d'ordre, plutôt bienvenu, qui préside à la programmation de l' pour la saison 2019, qui accueille en résidence la compositrice, chanteuse et vocaliste polonaise .

Trois figures féminines prennent ainsi le devant de la scène dans un concert révélant autant d'imaginaires singuliers. La Rivière de est le deuxième concerto pour basson de la compositrice, sollicitant un petit ensemble dont elle tire merveilleusement parti. La rivière s'entend ici comme métaphore du flux sonore que piano et harpe s'emploient à entretenir. Judicieuse à ce titre est cette manière de lancer le mouvement par le jeu du soliste, nous invitant d'emblée à une écoute immersive dans le son. La partie virtuose du basson, dans son registre aigu si expressif notamment, rejoint souvent les accents de la voix. Le travail d'orfèvre mené sur le spectre acoustique en relai avec cordes et vents captive l'écoute avant la cadence véritable du soliste (magnifique Mehdi El Hammami) magnifiant les qualités sensibles de l'instrument et la palette des couleurs qu'il déploie. L'évocation de la rivière revient en force dans la dernière partie, plus fluide encore, où la compositrice nous fait passer du dedans au dehors, avec bruits de nature et soli instrumentaux. Le basson, moins exposé, vient ponctuer une trajectoire fort délicatement dessinée.

Il est question de mécanisme et de rouage bruiteux dans Cinemaolio (Cinéma à huile), une pièce pour six instruments de la compositrice italienne . Elle nous met à l'écoute des « machines » qui produisaient les images dans ces anciennes salles de projection cinématographique où se mêlaient le bruit du projecteur et « l'odeur piquante d'huile ». Étrange et intimiste, la matière sonore qu'articulent les six instruments est portée par des processus qui la transforment à mesure, au fil d'une trajectoire aussi ludique qu'obsessionnelle. Dans cet univers un rien déshumanisé, la voix des interprètes, Jean-Philippe Grometto et Véronique Fèvre, déformée et filtrée par leur instrument (flûte et clarinette), apporte une rumeur chaleureuse autant qu'elle intensifie le mystère de ce huis-clos fantasmagorique.

cumule trois activités dans sa vie trépidante d'artiste : compositrice, mais aussi chanteuse et performeuse. Elle est sur scène ce soir, dans une des nombreuses partitions qu'elle a écrites pour sa voix. Aforyzmy na Miłosza (Aphorismes sur Milosz) est une pièce en sept mouvements très brefs, sept instantanés sonores qui se juxtaposent ou se tuilent au fil d'une trajectoire où le silence est une composante de l'écriture. Zubel a choisi des bribes de texte tirées de l'œuvre de Czesław Miłosz, poète polonais et Prix Nobel de littérature. Parmi les neuf instruments convoqués, la contrebasse, l'accordéon, la trompette et la percussion sont autant de couleurs au service de l'univers poétique. Chaque image projetée par le texte suscite un espace sonore et un temps singuliers : ainsi « le coureur à pied » du 2 génère-t-il une joute sportive très énergétique (métaphore de l'essoufflement) entre le soprano et les instrumentistes, sur un texte totalement fragmenté. La voix est toujours complice de l'univers instrumental, doublée, relayée voire hybridée par les couleurs de l'ensemble (la trompette bouchée du 3). Le timbre puissant et chaud d', qu'elle déploie dans tous les registres avec la même souplesse, confine à l'émotion, dans ce contexte raffiné instauré entre le mot et le son. L' en grande forme sous la direction de en soigne tous les détails avec une remarquable précision.

Crédit photo : Agata Zubel © Adam Walanus

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