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Humour et émotion début XVIIe par les Arts Florissants

, avec ce passionnant voyage des Arts Florissants dans les débuts du baroque français, nous fait (re)découvrir et aimer ce répertoire aux styles contrastés, grâce à des chanteurs exceptionnels.

Cinq instrumentistes, cinq chanteurs derrière une table à la nappe bleutée, le ou les solistes venant devant pour se rapprocher du public. À leur droite le théorbe et le clavecin, à leur gauche la viole et les deux violons. Avec son jeu si expressif et engagé, le jeune , quand il penche tendrement sa joue vers son théorbe, vient compléter cette discrète scénographie, comme une peinture de l'époque. Les chaussettes rouges du Maître, par ailleurs le plus discret de tous à son clavecin, contrastent avec la sobriété des tenues sombres.

Avec , nous sommes encore au XVIe siècle, pour la polyphonie a cappella qui réunit les chanteurs au début du concert. Puis le Dialogue de la Nuit et du Soleil, d', incarné par et , nous invite à goûter à ce style dont les ornements virtuoses et les relations entre voix et instruments montrent, trois générations plus tard, l'influence italienne et sa capacité à traduire les intentions du texte. Malgré leur perfection instrumentale et vocale, une certaine froideur de l'interprétation paraît laisser le public un peu distant – ou seulement attentif ? Sans doute aussi, la langue de l'époque, ses voyelles nasalisées et sa prononciation, particulièrement bien rendue par la diction des chanteurs, sonne à nos oreilles comme une langue étrangère. Mais , contemporain de Monteverdi, nous réchauffe, aussi émouvant dans ses airs les plus sérieux, dès Bien qu'un cruel martyr mêlant soliste et ensemble, que drôle et vivant, avec Lorsque j'étais petite garce et d'autres chansons coquines a cappella. Si celles-ci l'ancrent dans le siècle précédent, ses airs sont déjà ceux du « style haut » musical : de la rue aux salons.

donne toute sa tendresse à N'espérez plus mes yeux d', dont les ornements font écho à ceux du théorbe. Les trois voix masculines enchantent O doux sommeil de Moulinié. Quels beaux timbres ainsi mêlés ! L'alternance d'airs à plusieurs voix dont la complexité ne nuit pas à la musicalité, de suites instrumentales qui mettent les violons en valeur et de chansons aux thèmes plus populaires, révèle progressivement la richesse de l'univers musical contrasté de ce tournant vers le répertoire baroque.

La seconde partie du concert propose des moments très enjoués. La décontraction des interprètes donne plus de souplesse à leur virtuosité, dans une mise en place que l'on sent totalement maîtrisée. Mais avec Quel espoir de guérir de Guédron, bouleversant et parfois étrange dans ses harmonies, touche profondément. Sa simplicité, la transparence de sa voix, les instants de révolte où le forte contraste avec le pianissimo, le théorbe délicat et subtil, en font un moment d'émotion rare. C'est toujours qui permet à , élégamment allongé au sol, le buste relevé appuyé sur un coude, de nous enchanter de son timbre charmeur, avec une diction d'une clarté exceptionnelle.

Si le duo qu'il forme avec pour le Couplet de l'Espagnol de Moulinié amuse malgré son texte un peu lourd, c'est à nouveau qui, après nous avoir fait pleurer, sait le mieux nous faire rire, notamment dans Que dit-on au village ? interprété de façon irrésistible et virtuose par les cinq chanteurs menés par . Petit théâtre autour de la table, le dîner de famille pourrait tourner au drame, mais le goût du plaisir l'emporte sur le qu'en-dira-t-on. Au troisième rappel, ils en font un bis presque délirant, les instrumentistes les rejoignant pour participer à leurs mimiques.

Crédit photographique : © Philippe Grollie

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