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Polyphonistes élisabéthains en exil par l’ensemble Stile Antico

Sous le règne d'Elizabeth Ire, la tourmente des persécutions religieuses amenèrent de nombreux musiciens catholiques à fuir l'Angleterre. Mais pour ceux qui ne quittaient pas leur terre natale, l'Angleterre protestante était devenue, symboliquement, une terre étrangère. C'est cette situation d'exil qu'illustre le programme de cet enregistrement.

En ouverture, le célèbre air de Dowland Flow my tears est ici chanté dans sa version polyphonique. La plupart des airs de l'époque sont ainsi publiés sous forme de monodie accompagnée conjointement à leur version pour quatuor vocal. Ici, on remarquera le motif mélodique descendant illustrant le flot des larmes. La mélancolie est la marque de fabrique de Dowland (Dowland, semper dolens). Plus loin dans le programme, son air Trembling shadow nous permet d'apprécier la complexité du chromatisme qui donne à entendre une impression de tremblement. Si Dowland semble avoir été catholique par opportunisme plus que par conviction, , lui, témoigne par son art d'avoir été un « récusant » sincère et d'avoir mis sa grande notoriété au service de la cause religieuse. Ses motets sont empreints d'une grande force expressive, particulièrement remarquable dans le motet à huit voix Quomodo cantatibus, d'une écriture contrapuntique très savante. Les musiciens catholiques qui quittaient l'Angleterre pour échapper aux persécutions s'exilaient principalement aux Pays-Bas ou dans les Flandres. C'est le cas de et de . Du premier, nous entendons dans cet enregistrement deux motets à la Vierge illustrant le passage du style archaïque de la prima pratica aux innovations du premier baroque.

Une parenthèse contemporaine nous est proposée par une oeuvre écrite par pour l'ensemble, mettant en musique un poème de Shakespeare, « Le Phénix et la Colombe », qui serait une allégorie évoquant les martyrs catholiques dont on décrit ici les funérailles, et qui se termine par une sublime mélopée finale. Enfin, pour clore ce programme, les « Lamentations de Jérémie » mises en musique par (dont nous avons déjà pu apprécier l'écriture dans le Magnificat que Stile Antico donnait en concert à Toulouse l'année dernière) nous offrent des versets d'une force émotionnelle remarquable.

Formé de douze voix a capella, l' porte à l'excellence l'interprétation de la musique anglaise de la Renaissance et s'affirme comme une référence dans le paysage vocal européen. La parfaite homogénéité des voix, l'équilibre des pupitres, la perfection de la justesse, tout concourt à une impression de plénitude à l'écoute de ces polyphonies inspirées.

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