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Quatuor pour la fin du Temps par Raphaël Sévère et le Trio Messiaen

Véritable vitrail musical, le Quatuor pour la fin du Temps révèle toutes ses couleurs ardentes et extatiques dans cette interprétation remarquable du , assisté de à la clarinette.

Usant d'un instrumentarium identique à celui d', les Court Studies du compositeur britannique forme une introduction idéale au Quatuor. Très contrastées ces six pièces, extraites de son opéra « The Tempest » semblent déjà abolir le temps dans une sorte de lamento où timbres et harmonies apparaissent dans toute leur splendeur et leur variété, exaltées par la clarté et la virtuosité de l'interprétation. Tour à tour joyeuses, éthérées, majestueuses, solennelles, elles affichent une indicible poésie qui trouve son climax dans la dernière étude, The King ‘s Grief, portée par la douce cantilène de la clarinette de .

Très spiritualisée, le Quatuor pour la fin du Temps est une œuvre hors normes, par sa genèse d'abord, puisqu'elle fut composée pour partie et créée, en Silésie en 1941, lors de la captivité du compositeur au Stalag VIII A de Görlitz, par son inspiration ensuite, puisqu'elle emprunte directement à l'Apocalypse de Saint Jean et particulièrement à l'annonce de l'Ange, par son effectif enfin, puisqu'elle met en scène la clarinette (), le piano (), le violon () et le violoncelle () dans une formation dont on ne retrouve trace antérieurement que dans un quatuor de Paul Hindemith en 1938. Comportant huit parties, le Quatuor pour la fin du Temps forme un authentique puzzle musical alternant solo (Abîme des oiseaux), duo (Louange à l'Eternité de Jésus et Louange à l'Immortalité de Jésus), trio (Intermède), et tutti (Liturgie de cristal, Vocalise pour l'Ange qui annonce la fin du Temps, Danse de la fureur et Fouillis d'arcs-en-ciel). Il alterne, dans un saisissant contraste, des pièces vigoureuses, granitiques, aux rythmes complexes, quasi hallucinatoires dont l'inspiration fut sans doute exacerbée par les privations de la captivité, et des pièces mélodiques plus extatiques aux harmonies raffinées, soutenues par des rythmes obstinés, témoignant d'une foi fervente, préexistantes à son internement, et secondairement intégrées à la composition finale.

Au plan de l'interprétation, cet enregistrement parait exempt de toute critique et dans le concert de louanges (!) il convient de citer l'admirable prestation de Raphaël Sévère à la clarinette qui trouve dans l'Abîme aux oiseaux l'occasion de faire valoir toute la rondeur de sa sonorité jusque dans le suraigu le plus tendu, ainsi que la virtuosité et la fluidité de son jeu malgré une partition qui pousse à l'extrême les possibilités techniques de l'instrument et qui sembla, en son temps, poser quelques difficultés au créateur de l'œuvre Henri Akoka. On appréciera également le legato extatique et recueilli du violon et du violoncelle dans le duo bouleversant avec le piano des deux Louanges, ainsi que la cohésion de l'ensemble, la netteté de la mise en place et la dynamique dans les autres sections. Une lecture limpide, engagée et fervente que Messiaen n'aurait probablement pas reniée.

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