- ResMusica - https://www.resmusica.com -

La Mort de Danton de Gottfried von Einem repris à l’Opéra de Vienne

Créé à Salzbourg en 1947, La Mort de Danton de a retrouvé une scène autrichienne avec une nouvelle production au Wiener Staatsoper en 2018, sous la direction de Susanna Mälkki. La reprise de cette proposition très classique de cette année permet un changement de distribution intéressant, là où officie maintenant en fosse .

Dantons Tod, d'après Büchner, faisait partie des pièces proposées à Hugo von Hofmannsthal et Richard Strauss autour de 1910. Ils refusèrent le projet pour finalement créer Die Frau ohne Schatten, repris en mai dans une nouvelle production pour le jubilé du Wiener Staatsoper. Le 20 juillet 1944, l'opération Walküre échoue et l'attentat contre Hitler est manqué. Ce signal fort contre l'oppression nazie lance le jeune compositeur à composer lui-même un opéra autour du drame révolutionnaire et de celui qui représentait la liberté, face à la Terreur instaurée en France par Robespierre.

Einem s'y attèle donc dès la deuxième moitié de l'année, sur un livret co-écrit avec , pour une création à Salzbourg à l'été 1947 par Ferenc Fricsay, immortalisée par les micros, avec une distribution dominée par Paul Schöffler, Maria Cebotari et Julius Patzak. Donnée la saison dernière à Vienne dans une nouvelle production, celle-ci bénéfice cette année d'une distribution presque intégralement renouvelée et d'un nouveau chef. On remarque au passage ici tout l'art de ce grand théâtre de répertoire, de réussir à maintenir à nouveau une dynamique sur une telle œuvre, en offrant notamment le rôle-titre à  un nouveau chanteur, , là où Wolfgang Koch le chantait en 2018. Art encore de la direction d'opéra, Koch est en ce moment le Barak de la production de Die Frau ohne Schatten, et pourrait donc assurer les représentations si Konieczny venait à tomber malade, pour cette partie connue par un nombre infime d'artistes dans le monde.


Le baryton-basse polonais offre à Danton une superbe majesté, en même temps qu'une excellente déclamation, pour cette partition moderne pour son époque, bien que toujours tonale. Son introduction comme sa défense au procès démontre sa stature et un jeu engagé. Il est desservi par une production faible, bien trop simpliste par ses décors de Rainer Sinell, avec un carrosse royal couché sur le flan à gauche de la scène, et des costumes d'Alfred Mayerhofer purement représentatifs de la période révolutionnaire. On ne vient pas à Vienne pour les mises en scène, mais un tel ouvrage pourrait sans conteste se permettre plus de force, et un travail plus violent et mieux politisé que l'apparition de simples drapeaux bleu-blanc-rouge pendant qu'on chante La Marseillaise –dans sa version apocryphe de 1864 de Jacob Audorf.

Il reste donc encore une fois à profiter de la musique, avec l'excellent Camille Desmoulins de , auquel la partition tendue offre une ligne volontairement douloureuse et donc très émotionnelle. campe un Hérault de Séchelles prêt à mourir pour ses idées, face au Robespierre bien retenu par Thomas Ebenstein. propose une Lucille sensible, particulièrement contrite dans son grand air, soutenue en fosse par la beauté des bois, sur une alternance hautbois-basson à même de porter son désespoir, là où du matériau d'Einem se démarquait le premier Interlude, soutenu par une superbe clarinette solo. Le Chor der Wiener Staatsoper préparé par Martin Schebesta donne une belle ampleur aux scènes de populace, quand l'Orchester der Wiener Staatsoper offre toujours ses sonorités si flatteuses, de cordes assombries ou concentrées par la tradition aux cuivres nets, le tout parfaitement équilibré sous le geste expert et consciencieux du chef .

Crédits photographiques © Wiener Staatsoper GmbH / Michael Pöhn

(Visited 894 times, 1 visits today)