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Les Bruckner rayonnants du Symphonique de la Radio Bavaroise

Blomstedt, Haitink, Jansons, Maazel, quatre chefs sont réunis, moins pour célébrer, en concert, une somme brucknérienne (il manque au minimum la Symphonie “Nullte” pour une intégrale) que pour dresser un portrait sonore de l'orchestre. Mission accomplie !

Qu'un orchestre soit d'un niveau technique extraordinaire n'est pas tout : encore faut-il, qu'à l'instar des grands crus, on en reconnaisse la couleur et les parfums au-delà même des conceptions différentes des “terroirs” brucknériens. Affirmons-le : l' est, aujourd'hui, l'une des plus belles phalanges au monde, aux côtés de la Staatskapelle de Dresde et du Philharmonique de Munich.

Extraite de l'intégrale , les deux premières symphonies saisissent l'auditeur. Par la présence de l'enregistrement, tout d'abord, par la densité expressive et la puissance des pupitres ensuite. La netteté des attaques est sidérante. Les cuivres sont rauques, “percussifs”, mais aussi d'un velouté merveilleux. On retrouve ces qualités dans les Symphonies n° 3 et n° 4 par . Éditées pour les abonnés de l'orchestre, elles étaient introuvables depuis des années. La pulsation rythmique des contrebasses est rugueuse, les timbales éclatantes. L'architecture prend forme avec une détermination extraordinaire. L'orchestre ne cesse de creuser la matière sonore dans des scherzos minéraux et sans raideur, pourtant. Deux lectures plus marquantes que celles du chef avec le Concertgebouw, en 2008. La rédaction avait justement salué d'une Clef ResMusica, les Symphonies n° 5 et n° 6 sous la baguette de . Le chef hollandais, qui nous a légué de prodigieuses lectures avec le Concertgebouw d'Amsterdam et la Staatskapelle de Dresde, magnifie, ici, la personnalité de l'orchestre, sa puissance tellurique (quels cuivres !) dans la Cinquième, sa finesse dansante dans la Sixième (quelles contrebasses !). La Symphonie n° 7 dirigée par Jansons est une relative déception. La mécanique fonctionne en “pilotage automatique” sans que l'œuvre – la plus chargée sur le plan spirituel – n'émeuve. Changement de décor avec la Symphonie n° 8 que Jansons ne grava qu'une seule fois. Voici une superbe lecture, “pastorale” dans le jeu des bois, souple dans les cordes, impressionnante de vie et même de sensualité dans l'Adagio. La direction du chef offre une splendide échelle de nuances, d'une précision stupéfiante. La Symphonie n° 9 de paraît pour la première fois en CD. On préfèrera les deux versions avec le Gewandhaus de Leipzig (Querstand et Decca). La finesse du tissu orchestral est rendue avec des tempi soutenus. Voilà une conception assez distante, éloignée des climats mystiques d'autres lectures. On reste un peu sur notre faim.

BR Klassik publie une version isolée de la Symphonie n° 9 par le même orchestre sous la direction de . Dès les premières mesures, nous entrons dans un décor mystique d'une intensité surhumaine. Superbement capté, l'orchestre possède les couleurs du grand orgue romantique. « La dernière, ma Neuvième, ne doit être consacrée qu'à Dieu, s'il veut bien l'accepter » écrivit Bruckner. C'est bien de cela dont il s'agit : douceur et effroi du Jugement Dernier dans le Scherzo, l'un des plus inventifs que l'on puisse entendre. Jansons tient d'une main de fer cette immense machinerie sonore qui ne demande qu'à lui échapper. Les frottements harmoniques sont exacerbés et le mouvement s'emballe dans une danse cauchemardesque alors que les bois fruités offrent des teintes pastorales quasi-mahlériennes. Mahler, précisément, auquel on songe dans l'Adagio qui est le mouvement plus proche, harmoniquement, du viennois. Bruckner n'est jamais allé aussi loin dans sa quête harmonique. Jansons accomplit l'une des plus grandes versions modernes de l'œuvre. Chapeau bas !

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