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Musique à la Ferme avec l’Académie Jaroussky, Enhco et Serafimova

Pour le dernier week-end du festival Musique à la ferme, honneur aux jeunes talents de l'Académie Jaroussky puis, au duo .

Le premier programme est conçu comme « une promenade bucolique ». Ce panel d'œuvres éclectiques, non dénuées de légèreté, sont parfois teintées d'un humour rafraichissant. Chaque musicien s'illustre à tour de rôle dans une œuvre caractéristique du compositeur choisi. Écrites par Debussy, les Children's corner sont de séduisantes miniatures pour piano. Leur richesse d'écriture est un condensé de ce langage évocateur dont use le compositeur tout au long de sa vie. Le jeu de François Moschetta est d'une forte portée descriptive notamment dans les deux premières pièces, entre rêverie sensuelle et couleurs impressionnistes, puis la dernière avec sa rythmique jazzy.
Dans Reflets sur l'eau, les sensations sont exacerbées et nous pénétrons dans un monde merveilleux. Finement dosé, le toucher est parlant tandis que l'avancée dramaturgique nous conduit vers un climat serein.

Changement d'époque avec la Chaconne de Bach interprétée par la violoniste Clara Garde. Le phrasé respire, la projection est ample. Sa justesse d'intonation ‎permet d'apprécier une rondeur boisée dont des graves superbes et nous sommes touchés par la sensibilité des parties récitatives.
La prise de risque dans les passages engagés délivre une énergie brute. La soliste fait aussi découvrir une œuvre de la compositrice Roxanna Panufnik. Cette version fait ressortir la variété rythmique de cette danse folklorique aux influences polonaises.

Puis, la soprano Amélie Raison surprend avec la Récitation n° 11 pour voix seule de . Une pièce décalée dans laquelle des bribes de phrases sont répétées en boucle à différents tempi. Dans les Chansons pour les enfants de , elle insuffle une dimension théâtrale à la dimension hautement humoristique de ces pages.
Le violoncelliste Thibaut Reznicek s'illustre avec générosité dans la page romantique de la soirée, le célébrissime Cygne, extrait du Carnaval des animaux. Sans faire dans la surenchère, son jeu imprime de la douceur.
Puis, le duo revient dans Vocalise, ici d'une mélancolie pénétrante. Le piano exprime à son tour ses tourments intérieurs mais aussi sa solitude.
Tous les musiciens sont enfin réunis pour la pièce finale, le Spectre de la rose extrait des Nuits d'été de Berlioz. Cette œuvre met en lumière la pureté du timbre d'Amélie Raison, aussi à l'aise au chant que dans le jeu scénique.

Le lendemain, nous sommes réunis dans la grange à l'acoustique remarquable pour entendre le pianiste en duo avec la percussionniste au marimba. Tous deux revisitent des œuvres de Bach dans un programme finement agencé. Pour chaque morceau, certains thèmes sont isolés, ré-harmonisés pour ensuite laisser place à une improvisation. Sans barrières, ils tissent ainsi des ponts avec liberté et passion.
Le mariage entre les harmonies du piano et celles du marimba est aussi surprenant que concluant. Faisant corps avec son instrument, déroule un tapis virtuose de timbres contrastés. Le son est tantôt chaud et rond proche d'un instrument à vent, tantôt percussif et violent selon la nuance voulue.
Le Vivace de la Sonate en trio n° 3 marque d'emblée par son ambiance feutrée. Les instruments conversent, se prolongent de manière fluide. Le morceau est enchaîné sans rupture avec une improvisation de . Atmosphère planante, textures pleines aux tempi étirés… autant de décrochages émotionnels. Ces couleurs éthérées nous plongent hors du temps avant de venir toucher le thème de la Fugue de la Sonate n° 1 pour violon. Le développement même de la composition est captivant. Le duo s'écoute et parle un langage commun.
Sur la Route est une pièce écrite sur le nom Bach avec sa correspondance de notes. Plein de vie, un groove coloré raconte une histoire auquel le marimba vient apporter sa propre voix.
Dans l'improvisation d'après la Chaconne, extrait de la Partita n° 2 pour violon, si le solo de la jeune bulgare est d'une émotion épidermique, le développement côté claviers instaure une intensité poignante. Dans l'Allegro de la Sonate pour violon et clavecin, on a soudain un doute sur le nombre d'instruments sur scène. Cette chevauchée joyeuse dévoile une dimension symphonique. Puis, une composition festive prend vie sur un rythme de danse pulsée.

Après l'entracte, le duo dessine un monde sonore proche de l'épure (arrangements sur le Prélude de la suite n°4 pour violoncelle). Note après note, la lenteur du phrasé semble retenir le temps pour atteindre une profondeur spirituelle. Le Double de la Partita pour violon n° 1 dévoile quant à lui une version déjantée, libre et innovante. Les scotchs placés sur les cordes reproduisent ainsi des sons proche de l'électro.‎ En fin du concert, le duo montre une facette différente à l'énergie très libre.
Après Eclipse, une ballade onirique signée Thomas Enhco, nous entendons une fougueuse danse macédonienne.

En bis les deux artistes donnent de la voix dans ‎des variations sur des chants traditionnels de Bulgarie aussi énigmatiques que mystiques et tout autant décoiffant d'intensité, avant une superbe adaptation du titre mythique du groupe anglais the Verve, Bitter Sweet Symphony.

Crédits Photographiques : © Frédéric Barrès

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