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Concert Monstre pour Berlioz avec Roth à la Philharmonie

Trois semaines après son dernier passage pour une œuvre contemporaine dans le cadre de Manifeste, le chef à la riche palette retourne à La Philharmonie de Paris avec son ensemble Les Siècles et une sélection d'orchestres et chœurs universitaires, pour présenter le pendant grandiloquent de Berlioz à l'occasion d'un concert « Monstre ».

Le travail des musiciens et musicologues a fortement permis ces dernières décennies de redorer le blason d'un Berlioz souvent accusé de lourdeur, pour un style certes reconnu comme novateur, mais régulièrement jugé mal ordonnancé. Le concert « Monstre » de cette fin de saison à la Philharmonie fait fi du sujet et n'hésite pas, justement, à présenter les œuvres à caractère grandiose, avec un effectif choral de deux cents chanteurs, et sur scène plus de cent trente instrumentistes, soit tout de même moins que les cent quatre-vingt-douze demandés par le compositeur pour sa Grande Symphonie.

et Les Siècles avaient ouvert l'année Berlioz dans la salle de La Villette en lui consacrant déjà un programme intégral. Celui-ci débute par quatre pièces avec chœur, dont la première, L'Impériale, n'est autre qu'une tentative pour s'accorder les faveurs de Napoléon III. Le texte du Capitaine Lafont loue « l'Aigle aux ailes de flamme », sur lequel Berlioz apporte une musique martiale et glorieuse, parfaitement rythmée par les tambours. D'environ dix minutes, la cantate met en exergue le travail de préparation du double chœur, en même temps qu'elle montre à quel point la salle peut saturer lorsqu'on lui a enlevé les sièges d'un parterre rabaissé, sans prévoir de rideaux pour absorber le volume sonore. A cela s'ajoute que cet espace était alors prévu pour une large audience debout, or le public remplit surtout les places assises des balcons, les personnes restées en bas s'étant elles aussi quasi immédiatement installées à même le sol.

Le Chant des chemins de fer, créé en 1846 sous la direction du compositeur, traite un texte de Jules Janin autour de l'optimisme lié au progrès de cette période, peu avant la Révolution industrielle. Il fait apparaître le ténor , surtout audible lorsqu'il chante seul, car souvent noyé lorsqu'interviennent aussi les chœurs, massifs et parfaitement préparés par . Afin d'agencer l'ensemble, Roth se concentre autant vers ce groupe qu'à sa grande formation symphonique, composée de l', dont il est directeur musical, du , avec lequel il collabore chaque année au Festival Berlioz de la Côte Saint-André, et de l'Orchestre des Grandes Écoles.

Ensuite vient Le Temple universel, d'abord écrit pour simple chœur d'hommes, mais interprété ici dans une version orchestrée par , créée l'an passé au Festival Berlioz. Sur un texte de Jean-François Vaudin, dont le refrain débute par « La liberté se lève sur le monde », cette version ne dépareille pas du style de Berlioz, même si les bois, bien mis en valeur, sont assez simplement traités. Un court texte de Victor Hugo, très prometteur sur la paix européenne, sert d'interlude avant L'Hymne des Marseillais. Pendant cet ouvrage, une grande partie du public se lève, et des deux côtés de la scène apparaissent de nombreuses partitions, préparées par des chœurs amateurs afin d'accompagner le groupe dans les refrains patriotiques.

Les tambours ouvrent la seconde partie et son unique Grande Symphonie funèbre et triomphale, connue pour avoir été dirigée en uniforme par Berlioz lors du dixième anniversaire de la révolution de 1830. Les attaques de cuivres se sont affutées depuis les pièces de chœurs et le groupe d'ophicléides donne maintenant de la voix. On avoue pourtant regretter, même si c'était la version évidente à interpréter aujourd'hui, que cette œuvre si rarement programmée le soit cette fois non pas avec seulement les vents et percussions d'abord prévus, mais dans la seconde mouture, à laquelle ont été ajoutés violoncelles et contrebasses, bien peu utiles par leur pizzicati avant de véritablement intervenir à l'Apothéose. A cette dernière partie sont également adjoints tous les groupes de cordes, violons et altos étant venu grossir le parterre juste devant la scène. Le travail sur la couleur des bois, la tentative de rendre relativement aérienne la seconde partie de la Marche funèbre, ou la gestion du tutti avec le chœur lors du finale, montrent toutefois encore la qualité du travail de préparation et la maîtrise d'orchestre de . Ceci peut-être plus que jamais pendant ce concert remarquable lors des contrepoints des tambours, tout à fait en décalage avec l'orchestre, à l'instar de ceux de la première version du Sacre, que plus personne n'ose interpréter aujourd'hui.

Crédits photographiques © Claire Gaby / J'adore ce que vous faites

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