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Coffrets DG pour Shlomo Mintz et Gil Shaham

Sous l'intitulé « The Violin Masters », Deutsche Grammophon réédite trois coffrets consacrés à des maîtres du violon. S'il n'est pas nécessaire de revenir sur celui dévolu à qui reprend cinq CD bien connus des discophiles (dont un ensemble Bach toujours de référence), l'occasion est belle de saluer le talent de deux artistes qui ont donné à l'étiquette jaune quelques gravures magistrales.

On placera incontestablement au premier plan l'album Shlomo Mintz qui en quinze CD regroupe les principaux chefs-d'œuvre du violon. L'instrument est seul dans trois CD, les deux dévolus aux Sonates et Partitas de Bach et celui des Caprices de Paganini. On reste ébahi devant l'assurance presque orgueilleuse de l'artiste, sa formidable virtuosité et son timbre rayonnant qui en font le digne successeur de Perlman. Un bouquet de sonates avec piano ensuite nous emmène en compagnie de partenaires inégaux sur des sentiers de traverse. L'ensemble de sonates françaises (les deux de Fauré, celles de Franck, Ravel et Debussy) et celles de Prokofiev valent en effet pour l'accompagnement de , tandis que celles, moins fréquentées, de Mendelssohn avec Paul Ostrovsky demeurent un peu pâles.

En revanche, l'inévitable album Kreisler avec Clifford Benson retrouve la virtuosité transcendante des Paganini. Toutefois on ne peut que regretter bien sûr l'absence de sonates de Beethoven ou Brahms. Restent les concertos. Les accompagnateurs sont révélateurs ; ainsi Abbado est-il éblouissant dans les Prokofiev et un portrait de Bartók avec le Chicago symphony et le London symphony, empesé avec les Berlinois dans Brahms, et plutôt neutre dans le diptyque Mendelssohn-Bruch. On lui préférera Sinopoli, grandiose dans Beethoven ou Levine, solide et puissant dans le couplage Sibelius-Dvořák, voire Mehta flamboyant dans Lalo, un 5ème de Vieuxtemps somptueux (et si rarement joué de nos jours, quel dommage !) ou une Introduction et Rondo capriccioso virtuosissime de Saint-Saëns. On oubliera en revanche le dernier CD de l'album, un gala qui associe (bien mal) Mehta, Gitlis, , Stern et Mintz dans Bach et Vivaldi débités au kilomètre… Reste globalement un portrait généreux et fidèle d'un violoniste qui apparaît comme le digne descendant d'une lignée glorieuse qui va de Heifetz à Perlman.

Assez différent par son contenu apparaît le coffret encore plus volumineux (22 CD !) dévolu à  ; nettement plus jeune que Mintz (il est né en 1971 alors que son collègue est de 1957), Shaham impose un répertoire beaucoup plus orienté vers le XXe siècle tonal, américain notamment. Certes on trouve les grands concertos du XIXe siècle, ceux de Brahms avec Abbado à nouveau, le couplage Bruch-Mendelssohn et Sibelius-Tchaïkovski avec l'appréciable apport de Sinopoli, mais cette fois ni Beethoven ni les sonates et partitas de Bach ne figurent au programme. On est heureux en revanche de saluer d'étincelantes versions de concertos de bravoure trop rares de nos jours (le n°3 de Saint-Saëns et les deux de Wieniawski notamment) qui nous consolent de Quatre saisons bien inutiles. Dommage que Paganini soit représenté, outre par le premier Concerto n°1, par les pages pour violon et guitare un peu marginales et secondaires plutôt que par les Caprices. C'est pire encore pour les transcriptions de Schubert pour le même duo, y compris pour une improbable Arpeggione qui, pour violon et guitare, sonne bien bizarrement.

Le vingtième siècle est très inégalement convaincant ; si le Concerto n°2 de Bartók avec Boulez est magistral et si Barber et Korngold sont somptueusement servis avec autant d'ailleurs que Glazounov et Kabalevski avec Pletnev, difficile d'être conquis par les pièces « sérieuses » de (hormis le célèbre thème de La Liste de Schindler) ou de Previn compositeur. Et les récitals à thème sont trop souvent complaisants sinon sirupeux pour emporter pleinement l'adhésion. Enfin, citons le curieux CD Pärt dans lequel, plus que les célèbres Fratres, c'est la Symphonie n°3 sous la baguette de qui s'impose, mais c'est la seule œuvre du coffret dans laquelle Shaham n'intervient pas ! Bilan mitigé donc pour cet hommage à un artiste qui a quitté l'étiquette jaune et se consacre désormais à enregistrer des concertos des années 1930, décidément son répertoire de prédilection.

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