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Habiller l’Opéra de Paris pour son anniversaire

Belle, étonnante et drôle à la fois, l'exposition concoctée par le à Moulins est à la hauteur de l'anniversaire de l'Opéra de Paris.

Quoi de plus naturel pour le que de participer activement au 350e anniversaire de l'institution parisienne qui fête également les 30 ans de l'Opéra Bastille. Plusieurs expositions parisiennes, à Garnier avec la Bibliothèque nationale de France (Un Air d'Italie en ce moment, puis à venir Le Grand Opéra) et au Musée d'Orsay en septembre (Degas à l'Opéra) s'inscrivent dans cet évènement, comme également à Metz où le Centre Pompidou présente l'exposition « Opéra Monde ».

Le CNCS possède le fonds de costumes de l'Opéra de Paris le plus important au monde pour un musée : 5 000 costumes issus de 400 spectacles produits dans ce théâtre couvrent plusieurs siècles de son histoire. Nous en avions eu quelques exemples en 2018 lors de l'exposition « Artisans de la scène ». Aujourd'hui, autour des grands courants esthétiques du ballet et de l'opéra du XIXe, XXe et XXIe siècle, c'est une fresque pleine de couleurs, de magie et de souvenirs que composent plus de 150 costumes.

En guise de préambule, ce sont les costumes de Georges Wakhévitch pour l'un des plus grands succès du répertoire de l'Opéra, Faust de Gounod, qui sont mis à l'honneur. Dans cette pièce sombre, la découverte est celle de l'amusant parcours du Fantôme de l'Opéra, apparu dans l'ouvrage de Gaston Leroux en 1910 qui participa au mythe de la grande institution française.

Quant aux artistes, les commissaires de l'exposition sont loin de les avoir oubliés. Ceux des ateliers de couture de l'Opéra évidemment auxquels deux salles sont consacrées, mais aussi les chanteurs lyriques, plus difficile à faire vivre au sein d'une exposition muséale. C'est accompagné de multiples extraits d'opéras que le visiteur s'imprègne de l'univers lyrique, mais aussi à travers les costumes que les panneaux explicatifs font revivre en mentionnant les interprètes qui les ont portés et naturellement les metteurs en scène auxquels ils étaient associés : Léon ou André Gresse avec le costume de Don Diègue dans Le Cid de Massenet (costume de Ludovic Napoléon Lepic) ; Isabelle Andréani pour le costume de Carmen dans la mise en scène de Raymond Rouleau (costume de Lila de Nobili) ; Plácido Domingo avec le costume pour Othello dans la mise en scène de Terry Hands (costume de Abd'Elkader Farrah) ; et sa Reine de la nuit ou encore dans le rôle de la Comtesse dans Capriccio de Strauss dans la mise en scène de (costume d'Anthony Powel) et pour Fricka, dans La Walkyrie (costume de Falk Bauer dans la mise en scène de Gunter Kramer).

Un voyage dans le temps de Garnier à Bastille

Le choix est fait d'une scénographie tournée vers les deux lieux de spectacles. L'Opéra Garnier retrace l'histoire de l'institution de 1875 à 1980 alors que l'Opéra Bastille est naturellement associé aux années 1980 marquées par sa construction, pour arriver jusqu'en 2017 avec la Bohème « spatiale » de Claus Guth… Alain Batifoulier et Simon De Tovar exploitent également l'ancienne caserne de la Madeleine dans lequel le CNCS s'est implanté. C'est par le biais de photos géantes qui recouvrent entièrement les murs de la salle, et de jeu de miroirs savamment disposés que le kaléidoscope architectural opère. On apprécie particulièrement la visite virtuelle de tous les étages de l'Opéra Garnier ainsi que la reproduction du plafond de Marc Chagall que le promeneur peut détailler grâce à une application. La dernière salle du parcours consacrée au ballet reste cependant la plus spectaculaire avec des mannequins qui prennent presque vie dans un décor en mouvement qui fusionne les éléments du Grand Foyer du Palais Garnier à ceux de la salle de spectacle de l'Opéra Bastille.


Avant le clou du spectacle, ce ne sont pas moins de six salles pour l'Opéra Garnier¹ et quatre pour l'Opéra Bastille² avec deux salles consacrées aux ateliers et la salle finale des costumes de danse.

Du costume « historique » à la transposition intemporelle

La richesse des costumes exposés ne se limite pas à quelques dentelles et rubans, ils témoignent surtout de la diversité esthétique durant plus de deux siècles et de l'organisation même de l'institution. Ainsi, du temps du « répertoire » où les productions étaient données sur une durée très longue et où le principe du dessinateur de costumes unique et officiel était d'usage, les costumes ont été utilisés pendant près d'un siècle de la deuxième moitié du XIXe jusque dans les années 1960. S'enchaîne ensuite le renouvellement esthétique de Jacques Rouché, trois productions légendaires mises en scène par Maurice Lehmann (Obéron, La Flûte enchantée et Les Indes galantes), l'arlequinade des ballets vus par , la symbiose visuelle des artistes via le triomphe de Carmen dans les années 60 puis le sacre des metteurs en scène (et donc des costumes) durant l'ère Liebermann.


Côté Bastille, le visiteur sera interpellé par le costume de Silène pour Medea de Liebermann et son masque en latex formant un crâne de cheval, le pyjama de Falstaff coiffé avec des cornes de cerf ou encore les plumes virevoltantes de Papageno qui prend vie dans la vidéo disposée juste à côté. Entre les deux costumes cocasses pour la cochonne et la moutonne de La Petite renarde rusée, c'est le classicisme des costumes de ou Jean-Pierre Vergier, le « vintage » de ou Annette Beaufaÿs et les tendances très contemporaines depuis 2014, symbolisées par des costumes militaires ou celui de cosmonaute d'Eva Dessecker pour La Bohème, qui s'exposent.

¹ « 1875-1914. Les premières années au Palais Garnier, création, répertoire et réemploi » ; « 1914-1944. Jacques Rouché et la révolution esthétique » ; « Trois productions légendaires mises en scène par Maurice Lehmann » ; «  et les peintres », « Les années 1960 et le triomphe de Carmen » ; « 1972-1980.L'ère Liebermann »

² « L'ouverture de l'Opéra Bastille », « La direction d'Hugues Gall » ; « Un changement radical d'esthétique » ; « Le costume d'aujourd'hui »

Crédits photographiques : © Jean-Marc Teissonnier

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