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Demetrio e Polibio, spectacle spectral à Pesaro

Le premier opéra de Rossini, « péché de jeunesse », dans une reprise de la mise en scène de Davide Livermoore pour le ROF 2010, avec .

Arrière-scène d'un théâtre en fin de représentation. Peu de lumière. Le rideau vient de tomber. Des accessoiristes bruyants vont et viennent, un pompier insolent fume. Entrent les fantômes des personnages de la pièce, vêtus en petits marquis et marquises, perruqués, sortis d'une époque qui n'a rien à voir avec le livret. On pourrait imaginer que ce sont ceux de la famille Monbelli, une troupe d'artistes que Rossini avait rencontrée en 1810 à Bologne. Le père, Domenico Mombelli, est ténor, Anna et Ester, les filles, contralto et soprano. C'est pour eux que Rossini écrit cet opéra qui sera représenté pour la première fois à Rome au Teatro Valle en 1812, en l'absence de Rossini qui ne le verra qu'en 1813 au Teatro Carcano de Milan. Monbelli père, un chanteur de grande renommée, interprétait Demetrio/Eumène, et Ester le rôle de Lisinga.

Le livret (écrit par Vincenzina Viganò Mombelli, deuxième épouse de Domenico, et mère des deux filles chanteuses), complique l'histoire du jeune Siveno / Demetrio, fils du roi homonyme de Syrie, perdu et retrouvé, dans un enchevêtrement de trois pères et deux fils qui ne sont qu'un, un double enlèvement, et une double reconnaissance. Le sauvetage mutuel des deux amoureux, Lisinga et Siveno / Demetrio, dénoue enfin le drame. Seule la fin de l'histoire a lieu sur scène, ce qui précède est raconté par les chanteurs dans de longs airs, quelques duos et quatuors.

Avec ses apparitions (doubles des personnages qui gesticulent dans de faux miroirs, mimant leurs intentions et sentiments profonds), ses chandelles volantes et autres flammes qui surgissent soudain dans la paume des personnages, costumes qui montent et descendent des cintres… la mise en scène de , qui date de 2010, déçoit par sa propre complication qui n'éclaire en rien le sens de l'œuvre.

La musique du très jeune compositeur ne séduit pas d'emblée, peut-être parce que certains airs de Demetrio, Polibio et Siveno ont probablement été remaniés par Domenico Monbelli, comme le montre Daniele Carnini qui a reconstitué scrupuleusement la partition à partir des nombreuses sources réunies par la Fondation Rossini de Pesaro. Mais personne ne sait vraiment, malgré son travail de fourmi, quels airs et duos sont de Rossini ou de l'équipe Mombelli. Heureusement, certains airs accrochent l'oreille et suscitent une émotion qui vient comme par surprise.

Les fauteuils vides après l'entracte témoignaient de l'ennui de quelques spectateurs déçus. Ils ont ainsi raté le quatuor réussi du second acte « Donami omai Siveno« . En revanche les airs acrobatiques de (Lisinga), comme « Superbo, ah ! tu vedrai », forcent la chanteuse, pourtant grande rossinienne, à pousser le volume de ses aigus qui deviennent métalliques. La jeune , agréable Marchesa Melibea du Voyage à Reims en 2015 est, elle, parfaitement à la hauteur du rôle masculin de Siveno, avec l'assurance que lui donnent son timbre plein et flexible et la sûreté de ses aigus. Remarquable aussi, le Demetrio du bariténor argentin dont le timbre doré sied parfaitement à son machiavélique personnage. La basse débute au ROF. Sa voix puissante et son phrasé précis donnent à Polibio l'appui nécessaire pour défendre majestueusement la légitimité de son pouvoir.

À la tête du Chœur du Teatro della Fortuna M. Agostini et la Filarmonica Gioacchino Rossini, réussit à dynamiser un tunnel musical d'airs convenus, allant de la fureur au sommeil, du pathos à la guerre, et de la guerre à la constance de l'amour.

Crédits photographiques : © Studio Amati Bacciardi

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