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Evgeny Kissin et Robert Trevino pour la première fois à la Philharmonie

Pour sa prise de baguette devant l', le chef américain Robert Trevino dirige dans la masse l'Ouverture de Genoveva de et la Symphonie n° 11 « L'Année 1905 » de Chostakovitch autour d'un Concerto pour piano n° 2 de Liszt dépassionné sous les doigts d'.


Alors qu'il s'apprête à exécuter l'Ouverture de Genoveva, l' présente déjà cinquante cordes, là où beaucoup de chefs n'oseraient plus aujourd'hui exposer qu'au maximum une quarantaine d'entre elles. Et pour cause, Robert Trevino débute dans la touffeur de l'orchestre pour épaissir au fur et à mesure la pièce au lieu de l'alléger et de la faire briller dans sa coda.

Il maintient le même effectif pour un Concerto pour piano n° 2 de pour lequel le compositeur taille la part belle à l'orchestre, alors qu'il est dans la période d'écriture de ses poèmes symphoniques et de sa Faust Symphonie. L'accompagnement ne cherche ici jamais à prendre le dessus, mais limite toute effusion par un bloc compact, toujours sur un seul plan, tant sonore que dynamique. Les six sections de l'ouvrage sont donc agglomérées sans drame ni ferveur, avec des cordes savonneuses autant que grasses. entre pour la première fois à la Philharmonie de Paris et bénéficie d'un accueil particulièrement chaleureux au milieu d'une salle remplie deux soirs de suite, bien qu'il y livre l'une des prestations les moins passionnées. Car lui non plus ne recherche ni effusion ni frénésie dans cette partie qu'il maîtrise avec une agilité déconcertante. Sans bataille des mains, la tête ne souhaite pas non plus combattre le moindre sentiment, et c'est de manière brute, sans même s'attacher à laisser la primeur au splendide solo de violoncelle d'Éric Picard, qu'il traite toute son interprétation. Les applaudissements nourris le rendent généreux avec trois bis, d'abord en restant chez Liszt avec un Rêve d'amour bien peu sensible, puis une Valse posthume de Chopin sans magie et une Valse opus 39 n°15 de Brahms du même acabit.

Robert Trevino revient ensuite devant un orchestre encore plus épais pour interpréter la Symphonie n° 11 « L'année 1905 » de . L'adagio introductif, La Place du Palais, installe dans la lenteur un climat ténu, maintenu du début à la fin de l'œuvre sans que l'on sache s'il est vraiment inspiré par le chef, ou juste adapté a minima à la lenteur des cordes, comme on pourrait jouer l'Adagio de Barber. Le chef qui a gagné le Concours Svetlanov en 2010 rappelle étonnamment de dos la carrure massive du mentor, de sa large nuque à sa crinière noire, plus tard passée au gris. Mais à l'inverse du génie russe, Trevino n'a pas subi la période sombre de l'URSS et il n'a jamais dans cette oeuvre à exprimer autre chose qu'une lecture primaire mesure après mesure, avec un ensemble dont ressort l'excellent timbalier, la petite harmonie et les trombones, la deuxième trompette nous intéressant plus que les soli de la première. Le forte permanent limite toute nuance et maintient à nouveau toute la partition sur un seul plan sonore, sans aucune tension révolutionnaire lors des fusillades et massacres du 9 Janvier, ni angoisse lors des parties intimistes. Le Tocsin démontre certes une très bonne maîtrise des masses, surtout pour une première prise en main de la formation parisienne, mais à l'encontre de toute dimension littéraire ou ardente de l'œuvre, même lorsque les cloches, superbes mais trop claires, n'en finissent plus de résonner pour clore la symphonie.

Crédits photographiques : © M. Benguigui

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