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Documentaire et enregistrements inédits passionnants de Clara Haskil

En 2017, ce documentaire avait l'objet d'une diffusion sur Arte. Sa parution en un coffret élégant s'enrichit d'archives sonores inédites remarquables. La carrière et l'étonnante personnalité musicale de (1895-1960) sont retracées avec beaucoup de justesse.

De , les mélomanes se consolent avec les trésors de Decca (ex-Philips), gravures captées en studio à la fin de sa vie, auxquelles s'ajoutent les archives parues chez Tahra, Cascavelle, Audite, SWR Classic etc. On regrette qu'il n'existe aucun témoignage filmé de la pianiste en concert.

Le film débute à Vevey, en Suisse, lors du prestigieux Concours qui porte le nom de l'artiste. , , et notre confrère Alain Lompech assurent une grande partie des commentaires. Un choix judicieux de personnalités qui, à tour de rôle, abordent le “mystère” de cette artiste. Leurs propos illustrés par de nombreux extraits (Mozart, Soler, Schumann, Chopin, Haydn, Bach, Schubert) dressent un portrait touchant de , musicienne « hors-mode » selon Zacharias.

De fait, comment expliquer que sa carrière ait été si peu à la hauteur de son génie ? La fragilité physique de cette femme, la solitude qui la contraignit dans sa jeunesse puis dans laquelle elle s'enferma, l'expliquent en partie.

Clara Haskil passa d'une guerre à l'autre, manquant des rencontres qui auraient été essentielles pour son avenir, échappant aux périls de la Seconde Guerre mondiale en raison de ses origines juives. Elle fit douter les impresarios, comme si son physique maladif, son sens de l'autocritique obsessionnel, son trac aussi et son désintérêt pour le profit, lui interdisaient tout engagement à long terme. Le documentaire évoque, avec fluidité, la dimension autodestructrice de l'artiste. S'exprimant au clavier uniquement, se confiant à sa famille et ses quelques amis dont la mémoire est, ici, précieuse, elle révèle une « œuvre en adéquation avec sa personnalité » selon la formule de .

disait qu'elle avait été l'un des trois génies rencontrés durant son existence, aux côtés d'Albert Einstein et de Winston Churchill. L'amitié entre l'acteur et la musicienne se noua en Suisse. Sans que l'on sache précisément la date, Chaplin l'enregistra avec son accord. C'est la seule fois où l'on entend la voix de Clara Haskil. La captation, d'assez bonne qualité, est passionnante. La voilà vagabondant des Scènes d'enfants de Schumann (et avec quelle liberté de ton !) au Coucou de Daquin, d'une virtuosité et d'une truculence folle. Le jeu est d'une fraîcheur inouïe dans deux sonates de Scarlatti (K.132, K.193), aux ornements pétillants. Le second mouvement Large e mesto de la Sonate op. 10 n° 3 de Beethoven, véritable tombeau, bouleverse. Ajoutons une version scintillante de la Ronde des lutins de Liszt captée pour la Columbia, à une date inconnue mais dont la bande est, hélas, très abîmée. Plus remarquable, une interprétation inédite du Concerto pour piano n° 2 de Chopin avec le Symphonique de Vienne dirigé par . Cet enregistrement mono de 1960 – année de la disparition de la pianiste – est magnifique. La manière dont Haskil prend “la parole” et subjugue littéralement l'orchestre par sa présence, reste longtemps en mémoire.

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