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Ercole Amante, l’art d’un baroque survolté

Ercole Amante est un opéra dont la création remonte à 1662 sur la volonté de Mazarin et du jeune roi Louis XIV, mais qui n'a pas connu la postérité sur scène, hormis quelques représentations en 1981 sur la scène du Châtelet. C'est avec une production audacieuse et une scénographie originale que cet opéra retrouve une légitimité sur la scène nationale de l'Opéra Comique.

, fer de lance des compositeurs vénitiens, composa dans le cadre des festivités de noces de Louis XIV et de Marie-Thérèse un opéra, qui s'entend à l'époque comme un théâtre à machines, sur les amours d'Hercule. D'une durée de six à sept heures, la musique italienne de Cavalli est alors entrecoupée de ballets français où s'illustre le Roi : déjà les rivalités nationales se cachent derrière les débats esthétiques. Ainsi, le rôle d'Ercole (un rien transposable à la majesté de Louis XIV) n'est pas chanté par un castrat comme le sont les principaux rôles en vigueur en Italie, mais par un baryton pour attester de la virilité du Roi.

remplit ce rôle avec une présence magnétique mais un rien veule quand il s'agit de fidélité amoureuse. Il a face à lui une Dejanira avec une traine sans fin, qui s'étend sur trois parcours de scène de long en large. Celle-ci est incarnée par dont la déploration de l'acte II est brillante vocalement. Les humains étant aidés par les dieux, c'est Giunone qui l'accompagne dans ses déboires, déversant sa colère souveraine dans un texte fort bien mené par la claironnante .

Dans l'opéra baroque italien, il est habituel d'y croiser des rôles comiques ou naïfs : il s'agit de saluer la trivialité de qui sait toujours rendre justice à ce genre de rôle (ici le rôle de Licco), ainsi que la complicité du Page (), qui préfigure les rôles des entremetteurs malgré eux et qui surprennent par la répétition de leur nigauderie.

La direction orchestrale est vive, précise, car connaît parfaitement son ensemble et s'amuse avec lui et avec nous de la chatoyance de la partition et des effets scéniques dont la fosse se fait le bruiteur tels la tempête marine et les vents impétueux. Doublée d'une direction d'acteurs et de la gestion des masses très maîtrisée, la dramaturgie convoque toujours l'intérêt du spectateur à qui il est donné envie de danser sans cesse, dans une enivrante captivité auditive.

Liant une certaine volonté naturaliste au fantastique, la scénographie ravit l'œil par une action permanente sur scène, permettant d'éviter l'ennui par un ravissement continuel. La machinerie baroque, dont on pense qu'elle devait être très bruyante lors de la création, est remplacée par de fantastiques apparitions de Vénus dans un jouet d'enfant en forme de pigeon maladroit, des vagues furieuses mais visiblement en carton pâte, des fumées de transformation lors des scènes des enfers ajoutant un aspect dramatique effrayant mais aussi affectueusement ridicule. C'est ainsi que l'utilisation des couleurs vives, la surprise par l'emploi de monstres interstellaires, l'irruption de lumières pétaradantes rendent l'aspect déjanté d'un spectacle qui devait, il y a quatre siècles, surprendre et enchanter et qui parvient, de nos jours, à souhaiter qu'une œuvre aussi singulière soit plus régulièrement jouée sur scène.

Crédit photographique : Giulia Semanzato © Stefan Brion

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