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Lanvellec Éditions : deux premières parutions

Avec ces deux enregistrements, les Rencontres internationales de musique ancienne en Trégor lancent leur propre label, une manière de mieux approcher encore au travers du terroir breton les musiques qui naissent et vivent dans cette belle région de l'Armor au rythme de lieux et de répertoires spécifiques.

Un premier volume assez insolite a été enregistré sur l'orgue historique de Lanvellec, l'un des plus beaux de Bretagne. Inaugurer un nouveau label avec une musique spécialement conçue pour l'occasion, sans limites de modernité et sur un instrument remontant au XVIIᵉ siècle, voilà un défit étonnant que s'est lancé , organiste, entouré d', récitante et claviériste. A partir de diverses compositions inédites utilisant tous les bruits possibles que peut générer un orgue, des sons les plus séduisants aux martèlements de la mécanique ancienne, l'auteur construit un discours féerique. Le fil conducteur est l'histoire du merveilleux voyage de Saint Brendan à la recherche du paradis, résumé d'une légende latine du IXᵉ siècle. Le film imaginaire est lancé : La récitante annonce les différentes stations du voyage, les premiers sons tirés de l'harmonium de l'église de Lanvellec se font entendre avant que le grand orgue, d'inspiration anglaise pré-baroque, ne se manifeste.

Michel Boedec utilise cet instrument comme un synthétiseur, capable de produire des timbres parfaitement inhabituels, opérant sur le toucher du clavier, qui sur l'orgue ancien permet une infinité de subtilités et des nuances. Les jeux de l'orgue, habituellement groupés en familles, s'individualisent dans des tessitures parfois inattendues. Les réactions de la soufflerie sont également exploitées pour imager les respirations même du discours, le tempérament mésotonique, accord inégal de l'orgue, tisse une trame captivante et parfois obsédante. Comme le fait remarquer François Eckert, qui a assuré la direction de l'enregistrement, l'œuvre se construit d'elle-même au fur et à mesure du cheminement du moine Brendam et forme un tout indissociable. L'inspiration de se nourrit des réactions et des climats engendrés par l'orgue. Chaque tuyau peut être un interlocuteur particulier avec lequel on a envie de se rapprocher, de dialoguer, d'échanger des idées. Seuls ces vieux orgues historiques en sont vraiment capables, tel celui-ci, à dimensions humaines et qui sert de guide. L'organiste réunit en harmonie ces paramètres au service d'une écoute qui tient l'auditeur en émoi.

Ce disque montre combien un artiste du XXIᵉ siècle peut disserter sa propre musique sur un instrument conçu il y a plus de 350 ans… C'est la magie même de ces orgues « primitifs » où tout est souvent possible en matière de création. La prise de son à la fois très réaliste et aérée, procure pendant 45 minutes un dépaysement total, reflet même de cette fameuse quête paradisiaque que recherchait Saint Brendan.

Le deuxième volume explore un tout autre répertoire, aux alentours de 1700.
Le nom du compositeur bolognais est sans doute connu des mélomanes, pour avoir fait l'objet par le passé, d'enregistrements réalisés dans la grande basilique San Petronio, située dans sa ville natale et où il fut en son temps maître de chapelle durant soixante ans. On retrouve ici avec intérêt ce compositeur italien très important entre la fin du XVIIᵉ siècle et le début du XVIIIᵉ. L'argument de ce CD est d'autant plus justifié qu'il s'agit de présenter une œuvre dont la trace avait été perdue : Un oratorio La lingua profetica . Cette œuvre trouve naturellement sa place en Bretagne puisque l'intrigue historique qui repose sur un livret de Giacomo Antonio Bergamori permet l'intervention de divers personnages couronnés dont Charles VIII de Valois et sa fameuse épouse Anne de Montfort, duchesse de Bretagne, aux côtés du thaumaturge du titre, Saint-François de Paule. Un texte musicologique de Francesco Lora nous renseigne sur la vie et l'œuvre de Perti et surtout il nous décrit l'histoire de la découverte de cet oratorio de grande valeur historique, par la présence des personnages et musicale par l'inspiration des mélodies et les raffinements rhétoriques.

Pour cette production ont été réunis une pléiade d'artistes spécialistes de cette période de l'histoire la musique appelé « Seicento », solistes vocaux et ensemble de cordes du Concert Soave, dirigé par . L'enregistrement de cet oratorio a eu lieu dans la chapelle Sainte-Anne de Lannion, dont le chœur boisé offre des qualités acoustiques exceptionnelles. Les voix se répartissent clairement entourées de la chaleur et l'énergie des cordes. Le tout forme un ensemble harmonieux et sensible.

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