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Éloge de la musique au festival de Lanvellec et du Trégor

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Festival de Lanvellec et du Trégor (Côtes d’Armor).
11-X-2019 : Ploulec’h, Le Patio. John Playford (1623-1686) : The dancing master. Les musiciens de Saint-Julien : Direction François Lazarevitch
12-X-2019 : Tréguier, Théâtre de l’arche. Heinrich Schütz : Sinfoniae sacrae. Le parlement de musique : Direction Martin Gester
13-X-2019 : Lanvellec, Eglise Saint-Brandan. Giovanni Gabrieli : Triomphes sacrés. La guilde des mercenaires : direction Adrien Mabire

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Pour sa 33ᵉ édition, le et du Trégor propose une dissertation en trois week-ends consacrée à l'Éloge de la musique. Le deuxième offrait trois concerts, depuis les « Délices de la reine », musiques anglaises rassemblées au XVIIᵉ par jusqu'aux fastes sacrés des fêtes vénitiennes de Giovanni Gabrieli, en passant par l'un de ses plus illustres disciples allemands, .

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Les Rencontres internationales de musique ancienne en Trégor sous la houlette de son dynamique directeur artistique Christian Langenfeld proposent une nouvelle fois leur Festival d'automne dans divers lieux culturels et historiques des Côtes-d'Armor.

Le 11 octobre est présenté dans la toute nouvelle salle du Patio à Ploulec'h une soirée consacrée à de la musique anglaise du XVIIᵉ siècle. Pour cela et son ensemble Les , en résidence au festival du Trégor pour deux années, ont concocté un programme original à partir d'un recueil compilé par , éditeur éclairé de cette période. D'emblée ce qui frappe l'auditeur est une grande variété de genres musicaux regroupant danses, chansons, basses obstinées et autres gigues caractéristiques d'une savante musique traditionnelle. La couleur générale de l'ensemble des instruments rassemblés est chatoyante et équilibrée, sans jamais forcer le trait, ce qui lui confère une écoute agréable et séduisante. Les voix solistes d', baryton et sont en harmonie parfaite avec les instruments, la harpe, le cistre et les diverses flûtes. La diction des textes est remarquablement détaillée et les expressions sont d'un charme très élégant. Le chant Sefautian's Farewel, sombre et mélancolique contraste avec la célèbre Nobody's jig entrainante et point d'orgue de ce concert construit sur le thème de la fête. Francois Lazarevitch utilise tour à tour plusieurs flûtes, à bec ou traversières, virtuoses et sensuelles. Leur son se mêle à merveille avec l'unisson du violoniste Aaron McGregor. Une cornemuse gonflée par un petit soufflet sous le bras procure un climat particulier, évoquant quelque lande brumeuse. Une belle rencontre de couleurs dans une salle à l'acoustique feutrée marque cette première soirée du signe de la gaieté.

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La deuxième soirée du samedi se déroule à Tréguier, dans la salle du théâtre de l'arche, ancienne chapelle du petit séminaire, offrant un espace acoustique propice à la musique sacrée. L'ensemble dirigé par propose un concert en création pour le festival sous le titre de « Petits concerts spirituels » regroupant essentiellement des œuvres de . Élève de Giovanni Gabrieli à Venise, cet auteur était saxon, en fonction à Dresde. Réfugié au Danemark pendant la Guerre de Trente ans, il compose entre autres ses fameuses Symphoniae sacrae I et II. Cette musique nous plonge dans un univers particulier à la charnière du style purement germanique rehaussé d'italianismes qui humanisent subjectivement ces pages. Tour à tour le latin ou l'allemand sont utilisés en fonction des textes parfois dévolus au motet ou aux madrigaux. Grâce à des moyens simples faits d'intervenants solistes, le compositeur construit une trame souple et mélodique d'une grande profondeur expressive. Un duo de violons conduit la plupart des pièces soutenues par le continuo habituel, violoncelle et claviers (orgue et clavecin). La soprano et la mezzo Eugénie Warnier assurent les dessus avec précision et une remarquable diction. La basse , par son timbre cuivré, capable de descendre dans un registre grave impressionnant énonce, soit en soliste ou en trio avec les chanteuses, les mystères de ces textes mis en musique par celui que l'on considère comme l'un des pères de la musique vocale allemande. , debout devant ses claviers, conduit avec rigueur et souplesse une phalange homogène et radieuse. Le concert se termine par l'une des pages les plus belles de Schütz, sur le thème du choral « De Dieu je ne veux pas me lasser », chef-d'œuvre basé sur la mélodie de La Monica ou de la Jeune fillette. Une pièce emblématique de l'art de Schütz avec ses strophes développant de nombreuses et inventives variations. Quelques brèves pièces instrumentales de ponctuaient en agréables respirations les groupes de pièces vocales.

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Le troisième et dernier concert a lieu dans l'église Saint-Brandan à Lanvellec. Il est consacré aux Triomphes sacrés de la musique vénitienne autour de Giovanni Gabrieli. Dans la matinée, le festival a judicieusement organisé une conférence sur ce compositeur au centre culturel Steredenn de Lanvellec, donnée par le musicologue Jorge Morales, professeur à l'université de Paris-Sorbonne. Cela permet au public de se familiariser quelque peu avec cette période féconde de la musique à Venise, à l'orée du XVIIᵉ siècle. Giovanni Gabrieli, organiste à Saint-Marc y développa un style nouveau, concertant et polychoral. Belle introduction au concert de l'après midi, qui confirme les qualités inventives de ce flamboyant compositeur. Dans la belle église de Lanvellec à l'acoustique précise, l'ensemble , menée par fait exploser les feux de ces textes sacrés. Les instruments tout d'abord, avec cornets à bouquin, sacqueboutes et deux orgues soutiennent avec grand relief six chanteurs indispensables pour une polyphonie fournie et éclatante. Après une courte fanfare et un motet de , les musiciens offrent le Divinum Officum de Giovanni Gabrieli, composé de pièces instrumentales, motets à voix multiples et chansons. On peut assister au déroulé d'une messe musicale depuis la Toccata introductive touchée avec finesse par Jean-Luc Ho sur l'orgue historique Robert Dallam (1653), joyau absolu de ce festival. Les voix emplissent l'espace, des plus aiguës offrant à certains moments quelques contre-chants vertigineux, aux plus profondes se mêlant aux graves des sacqueboutes et de l'orgue positif. Le concert s'achève avec un Magnificat de qui fut lui aussi musicien en la Basilique San Marco de Venise, organiste aux côtés de Giovanni Gabrielli. Il faut remarquer la grande qualité de cette phalange musicale dirigée depuis son cornet par et qui a pris son origine en Bretagne même. Il est heureux de saluer ici la présence d'un ensemble local de musique ancienne pouvant rivaliser en qualité avec les meilleurs groupes de la scène nationale.

Crédits photographiques : © Alain le Bourdonnec

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11-X-2019 : Ploulec’h, Le Patio. John Playford (1623-1686) : The dancing master. Les musiciens de Saint-Julien : Direction François Lazarevitch
12-X-2019 : Tréguier, Théâtre de l’arche. Heinrich Schütz : Sinfoniae sacrae. Le parlement de musique : Direction Martin Gester
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