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Le saxophone caméléon de Carl-Emmanuel Fisbach

Saxophoniste virtuose, attaché à la musique d'aujourd'hui, n'entend pas se priver des œuvres du répertoire, éprouvant ici les capacités de son instrument dans cinq transcriptions où les Sonates de Bach alternent avec celles d'Hindemith.

Risqué, toujours, est le choix de jouer le répertoire baroque sur un piano, avec une réalisation de basse continue fixée et de surcroît un saxophone soprano comme « dessus ». Les deux interprètes assument pleinement leurs options, la sonorité de tirant subtilement vers le « boisé » du hautbois baroque. Dans la première Sonate pour flûte en mib majeur de Bach, on retient surtout le dernier Allegro interprété au juste tempo et en parfaite synergie avec . Mis au même plan que le saxophone dans l'enregistrement, le clavier manque parfois de discrétion (Largo e dolce de la Sonate en lab Majeur), même s'il lui arrive de dialoguer à part égale avec son partenaire comme dans le très beau Vivace de cette même sonate ici enregistrée.

Il n'y a aucun risque par contre à mettre en regard la musique de J.S.Bach avec celle de dont la manière néo-classique s'abreuve aux tournures contrapuntiques du Cantor. affine d'autant la sonorité de son saxophone soprano joué pratiquement sans vibrato dans un premier mouvement Munter (Allègrement) très enlevé où, l'écriture aidant, l'équilibre sonore entre les deux partenaires est rétabli. Le mouvement lent, interrompu en son centre par un épisode plus animé, dessine une ligne expressive admirablement conduite par le saxophoniste tandis que les deux instruments s'imitent et se rejoignent dans un finale aussi court qu'éloquent.

C'est la partie de cor qu'assume le saxophone de Carl-Emmanuel Fisbach dans la Sonate pour cor alto et piano d'Hindemith. L'interprète a pris pour ce faire le saxophone ténor dont le vibrato velouté et le timbre un rien assombri que lui confère l'interprète nous oriente vers les qualités du cuivre doux. On l'apprécie tout particulièrement dans les deux mouvements lents (Ruhig Bewegt et sehr Langsam) où le ton se fait plus profond et confidentiel. L'introduction pianistique du Lebhaft final magnifie l'énergie du geste et la clarté du jeu de qui sert à merveille l'écriture robuste du compositeur.

Elle est également soliste dans le début du Trio pour alto, heckelphone (l'équivalent du hautbois ténor) et piano d'Hindemith qui referme cet album : solidité du jeu, ampleur sonore et maîtrise du clavier s'exercent dans une partie très exigeante qui lance le mouvement. La pianiste est rejointe par le saxophone ténor puis par l'alto – – dans une association de timbres pour le moins insolite. Si le Potpourri de la seconde partie n'est pas du meilleur Hindemith, balançant entre ironie chostakovienne et scansion rythmique du Stravinsky néo-classique, il propulse les trois instrumentistes dans un final motorique et fugué, sorte de toccata effrénée qui met en valeur la virtuosité autant que la résistance de chacun jusqu'au Prestissimo final.

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