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Othmar Schoeck, la passion lyrique

Avec la sortie quasi simultanée de deux opéras d', le chef d'orchestre poursuit sa quête visant à faire redécouvrir le compositeur suisse, musicien dont les œuvres magnifiques d'inventivité et de lyrisme peinent toujours à franchir la barrière « latine » de la Romandie et partant de la France.

Créé à Berlin en 1943 en pleine guerre, Das Schloss Durände, le plus important opéra d', souffrait d'un livret imprégné d'un vocabulaire aux accents nazis. En 2002, Chris Walton, le biographe d' relevait qu'à cause de la littérature tendancieuse du livret, Das Schloss Dürande ne se verrait certainement plus sur une scène. Hormis quelques linguistes pointilleux, probablement personne n'aurait relevé le caractère déplacé du langage utilisé. D'ailleurs, Hermann Göring, alors ministre de la culture du IIIe Reich, jugeait que cette littérature « ne valait pas tripette ». Cependant, pour sa création le 1er avril 1943, ces dires n'ont pas empêché l'opéra berlinois Unter den Linden de prévoir une distribution éclatante dans laquelle on entendit le ténor Peter Anders, la soprano Maria Cebotari, les barytons Gehrard Hüsch et Willi Domgraf-Fassbaender, et la basse Josef Greindl. Aussi prestigieuse fut-elle, la production s'est malheureusement vue écourtée puisqu'à peine dix jours après la première, l'opéra fut détruit par un bombardement. Depuis, Das Schloss Dürande est tombé dans l'oubli.

Depuis de nombreuses années, le chef d'orchestre voue beaucoup de son temps à promouvoir le compositeur suisse. Convaincu, à juste titre, de la grande valeur des œuvres musicales d'Othmar Schoeck, Venzago s'offre à le maintenir à une place qu'il peine à conserver. Dans le cas de Das Schloss Durände aidés d'universitaires et d'artistes suisses, le chef suisse a entrepris une véritable « décontamination » du livret pour livrer au public une version « re-poétisée » de cet opéra. L'adoucissement comme la modernisation des expressions rend aujourd'hui l'œuvre politiquement correcte sans en altérer l'intrigue. Sombre histoire de jalousie (un thème de base à tout opéra romantique), Renald Dubois croit que sa sœur Gabriele a été séduite (doux euphémisme du viol) par le comte Armand. Elle en est toutefois amoureuse et lorsque Renald s'en aperçoit, il incendie le château du comte projetant les deux amants dans la mort.

Dans son opéra, on retrouve un Othmar Schoeck fidèle à son art. Avec une musique d'une intense personnalité, colorée, tout au service de la voix, le compositeur livre une œuvre dense aux accents lyriques dont certaines pages sont d'une beauté infinie, à l'exemple de l'air de Gabriele « Was Will Sein Stampfen Und Pochen ? » du premier acte et « Der Liebste Ist Davongegangen » du second acte suivi du touchant duo « Gefunden ! In Nacht Und Bangen » entre Gabriele et Nicolas (superbe baryton ).

Avec dix-huit rôles chantés, l'intrigue reste difficile à suivre au disque. On perçoit cependant assez aisément la vocalité des trois principaux protagonistes en particulier la soprano (Gabriele) dont la voix claire souligne admirablement l'esprit juvénile de la belle amoureuse. Le timbre affirmé, souvent durci du baryton (Renald) convient parfaitement au rôle du méchant. Quant au ténor (Comte Armand), si sa voix ne souffre d'aucune gêne, on l'aurait aimé animée d'une présence vocale plus imposante. Un amoureux moins « mozartien » et plus « puccinien » encore que la musique du compositeur suisse ne s'apparente ni à l'un ni à l'autre de ces compositeurs.

Sous la baguette de son chef titulaire , attentif à donner des couleurs orchestrales variées, le est remarquablement compact avec des cordes superbes.

Avec la cantate Vom Fischer un syner Fru qu'on peut assimiler à un opéra en un acte, Othmar Schoeck s'inspire Du pêcheur et sa femme, un des deux cents contes laissés à la postérité par les frères Jacob et Wilhelm Grimm. Mêlant le fantastique, un poisson enchanté remis à l'eau par le pêcheur débonnaire, et la réalité misérable de sa pauvreté, Othmar Schoeck compose une musique où s'affirme son excellence dans l'accompagnement de la voix. Transparaissent alors des moments d'intensité dramatique formidable, qu'une écriture musicale colorée souligne les caractères des personnages de la fable. Théâtrale, la soprano (La femme) chante avec une froideur voulue, évitant le vibrato, et affirme le caractère exigeant de cette femme désespérément insatisfaite. Le ténor (Le pêcheur) semble moins à l'aise dans une partition qui ne ménage pas les sautes d'octave. De son côté, le baryton hawaïen (Le poisson enchanté) s'acquitte de sa partie avec le talent que nos pages ont souvent relevé lors de ses prestations au sein de la troupe de l'opéra de Berne. La voix est franche, profonde, le ton est juste. A la baguette, l'inconditionnel admirateur d'Othmar Schoeck dirige d'une main sensible et précise un excellent .

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