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On se damne pour Michael Spyres

Si l'affiche luxueuse de cette Damnation de Faust par promet plus qu'elle ne réalise, on ne voudra pas manquer le Faust de

Auréolé par une longue carrière au service de Berlioz qui a vu signer les versions de référence des Béatrice et Bénédict et de Benvenuto Cellini, ainsi que des Troyens qui tutoient les versions mythiques de Colin Davis (l'ensemble figurant dans l'intégrale Warner Classics, Clef d'Or ResMusica), le chef a désormais le projet d'enregistrer toutes les œuvres majeures de Berlioz pour Erato. L'édition est soignée avec un livret illustré, et un DVD complète l'ensemble.

Malheureusement, les espoirs légitimement suscités par l'affiche ne se réalisent que partiellement. Les principales déceptions viennent, et c'est très surprenant, de la direction inégale et de la Marguerite en difficulté de , surtout dans l'air phénoménalement difficile « D'amour l'ardente flamme ». L'enregistrement associe des prises faites sur deux concerts et une troisième journée. Notre rédacteur présent à la première soirée avait souligné la discontinuité du propos, supposant que cela pouvait être lié aux contraintes de l'enregistrement. Les Troyens avaient été enregistrés dans les mêmes conditions, sans que ce caractère hétérogène ne nous ait frappé. Attaché à mettre en relief toutes les trouvailles d'orchestration et la variété des climats (l'humour de l'Amen fugué est parfaitement restitué par le , un exemple savoureux parmi tant), le chef peine à garder le fil conducteur dramatique, et le brillant n'échappe pas toujours au clinquant. L'urgence du concert et un manque de temps de répétition pour réaliser la quadrature du cercle de la richesse du détail et de l'unité de l'œuvre sont des explications plus probables. Dire que la mezzo-soprano est méconnaissable par rapport à sa Didon serait excessif, mais on peut, sans renier toutes les louanges qu'on lui adressées jusqu'à présent, admettre qu'elle est souffrance dans cet enregistrement, sur le plan du souffle comme sur celui des aigus. S'il est besoin de comparer, on se reportera à la démonstration magistrale d' captée quelques mois auparavant, également en concert à l'Opéra de Versailles avec François-Xavier Roth (DVD Château de Versailles). Alors qu'Antonacci est l'aînée de 8 ans de DiDonato, elle survole la complexité rythmique folle du passage « Ô caresse de flammes » avec une aisance confondante. Et si la voix est mûre autant que celle de DiDonato, elle couvre tout l'ambitus du rôle.

Que ces réserves ne fassent pas négliger la magnifique prestation de . Dans le Requiem (de bon aloi) enregistré à Saint Paul de Londres, son « Sanctus » magique faisait tout le prix de cette parution. Ici encore, chacune de ses interventions est un rêve. A lire les critiques des personnes ayant assisté au concert du 25 avril, le ténor avait été à la peine dans la seconde moitié de cette légende dramatique. Cette fatigue n'apparaît plus dans cet enregistrement, grâce à des prises réalisées les deux jours suivants. « Nature immense », le tube vocal de la Damnation, est sauvé et constitue le sommet de cette captation. La direction frémissante de Nelson forme un écrin idoine pour porter un Faust qui exprime au sens premier, et avec quelle force, sa souffrance et son désarroi. Une interprétation d'anthologie. Il est bien entouré par , Méphistophélès d'une noirceur magnifique avec probablement un rien d'excès théâtral (il était aussi à son aise dans la captation à Versailles), comme en Brander qui impressionne par sa puissance et sa rondeur.

Le DVD inclus en bonus est une bonne idée, car il donne à voir quarante minutes du concert de la première soirée. Pour Nature immense, un décalage légèrement perceptible laisserait penser que la piste audio vient bien d'une prise ultérieure.

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