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Tosca à l’Opéra de Rouen

Tosca de revient, après douze ans d'absence, sur la scène de l'Opéra de Rouen dans une mise en scène très engagée, politiquement et socialement, de … une fausse bonne idée…

Désireux de laisser au second plan l'intrigue amoureuse, la mise en scène de s'intéresse à l'analyse politique et sociale du livret, dans une lecture mettant en avant les dysfonctionnements d'une société malade et corrompue. Dans cette vision, éminemment subversive et malheureusement actuelle, le machiavélique Scarpia occupe, dés lors, le premier rôle, l'intrigue se résumant au face à face entre deux figures métonymiques : Scarpia (Domination) et Tosca (Résistance). Partant du principe que « Souvent dans les périodes de conflit le corps des femmes devient un instrument de guerre » dénonce, par ce biais, la domination masculine destructrice, quels qu'en soient les domaines d‘élection : genre, politique ou religieux. Une option interprétative d'une modernité quelque peu accrocheuse par les temps qui courent, qui peine toutefois à convaincre car il faut bien avouer qu'en dehors de l'effet d'annonce (dans la note du metteur en scène) cette vision de l'opéra n'apporte pas grand-chose de nouveau… Un autodafé, des costumes militaires de cuir noir, des mitraillettes, un sacristain sympathisant avec le pouvoir, voilà des éléments qui ravivent douloureusement notre mémoire mais qui nous paraissent, hélas, aujourd'hui habituels et bien connus sur les scènes de théâtre… il en faut sans doute un peu plus pour révolutionner notre vécu de Tosca.

Trois actes, trois décors répondant à la même thématique, retraçant en raccourci le triste cheminement de tout totalitarisme : une église en briques rouges décorée de tableaux hideux pseudo contemporains qui seront détruits dans un autodafé au I, une salle de torture et un bunker au II, des ruines au III. On est là, bien loin de tout romantisme sirupeux…Et pourtant, malgré tout cela Tosca reste une histoire d'amour, ce dont témoigne le poignant troisième acte, aboutissement d'une progressive montée en puissance de la dramaturgie après un premier acte assez statique où les acteurs-chanteurs semblent comme empruntés, laissés à eux même par une direction d'acteur quasi inexistante et un second acte mieux rendu dans le huis clos lourd de menaces de Scarpia et Tosca.

La distribution vocale est « dominée » par en Scarpia, jeune séducteur machiavélique qui chante aussi bien qu'il joue. Dans le rôle-titre la soprano se montre peu à son aise, mais une montée progressive en puissance nous vaut un « Vissi d'arte » de belle facture. Face à elle, le Mario d'Andrea Carè manque un peu de projection mais son timbre lumineux nous offre un magnifique « E lucevan le stelle » et un émouvant duo d'amour constituant le climax de la soirée. Les seconds rôles, (Angelotti), (Spoletta) et (Le sacristain) ne déméritent pas tandis que le Chœur reste fidèle à sa réputation d'excellence.

Contrairement à son habitude, dans la fosse, l'Orchestre de Rouen Normandie se montre le plus souvent poussif, parfois chaotique sous la baguette du jeune chef Eivind Gullberg Jensen qui laisse souvent les chanteurs esseulés ou couverts par des équilibres précaires, sauf au troisième acte où orchestre et chanteurs retrouvent, enfin, une émouvante symbiose.

En bref, « beaucoup de bruit pour rien », on espère un David Bobée plus inspiré dans ses réalisations à venir !

Crédits photographiques : © Arnaud Bertereau

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