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Mélodies au féminin par Elisabeth Zapolska

Accompagnée du fidèle , la mezzo-soprano fait paraître en 2012 un premier album entièrement consacré à . Si la compositrice et pianiste polonaise est toujours à l'honneur dans cette deuxième gravure réunissant une trentaine de pièces vocales, elle côtoie toute une génération de musiciennes et poétesses du début du XIXe siècle trop longtemps restées dans l'ombre.

Présidente de la Société qu'elle fonde en 2009, , native de Varsovie, vit en France depuis 1988. Elle y mène un « combat », pourrait-on dire, pour sortir de l'ombre cette génération de femmes artistes, brillantes autant qu'actives, dont la société de l'époque, tout comme les historiens du XIXᵉ siècle, se sont évertués à effacer de la mémoire. Elles sont pour la plupart issues de l'aristocratie, instrumentistes ou chanteuses, car leur activité d'interprètes, pour peu qu'elle se cantonne à une vie de salon, sied aux mœurs de la bonne société. Plus ambitieuse est la carrière internationale que mène , première pianiste professionnelle, et qui plus est compositrice, précédant d'une génération celle de dont le profil est en tout point comparable. Une biographie détaillée renseigne chaque nom de compositrices ou poétesses convoquées dans l'album. Sont présents également les compositeurs (Schubert, Perucchini et Kleofast) qui ont collaboré avec des poétesses.

Elizabeth Zapolska y chante en quatre langues, français, polonais, allemand et italien, des romances, Lieder ou autres mélodies dont le ton et l'envergure varient en fonction du texte. Un souffle quasi berliozien traverse Le Chant de la Vilia, qui débute en beauté cet enregistrement. La mélodie de Maria Szymanowska, écrite sur un poème en français d'Adam Mickiewicz (son beau-fils) est enregistrée en première mondiale. Celles de (la sœur de Maria), de la Reine Hortense (fille de Joséphine de Beauharnais), ou de , musicienne aveugle à la cour d'Autriche, s'apparentent à la romance. Conçus dans une forme strophique et sous un accompagnement assez conventionnel, elles abordent des sujets divers, poèmes galants mais aussi patriotiques (Le Polonais en Espagne) ou de ton populaire, telle cette délicieuse Mazurek en polonais de la grande Szymanowska. Sa Romance à Joséphine, pleine de malice, camperait, selon la compositrice, le portrait de la Femme (qui devrait s'y reconnaître) : « La main qui fit Joséphine / Est la même en vérité / Qui fit la fleur pour l'épine / la bonté pour la beauté », chante Elisabeth Zapolzka. On se rapproche de l'Aria dans les mélodies italiennes à fleur de sentiment (Nocturne de ), où le postlude pianistique prolonge les accents de la ligne mélodique expressive. L'accompagnement et la dimension harmonique sont plus élaborés encore dans les Lieder, ceux de Louise Reichardt, Franz Schubert ou encore Fanny Hensel-Mendelssohn, dont six pièces referment cet album. Parmi les poètes mis en musique, citons Nikolaus Lenau, Heinrich Heine et Johann Wolfgang von Goethe. Ils suscitent des pages musicales de haute tenue (Schwanenlied, Harfners Lied), scrutant au plus profond de l'écriture musicale toutes les thématiques romantiques.

C'est une performance vocale que réussit , assumant avec une égale implication et une qualité de chant exemplaire ce voyage à travers les styles et les langages. La diction y est irréprochable et la sensibilité attachée à chacun des textes qu'elle aborde sert au plus près le talent de ces femmes artistes, dont certaines d'entre elles n'ont jamais dépassé l'univers de la mélodie. Le piano est d'époque, celui de , apportant ses couleurs et une certaine intimité de ton très appréciable, même si les bruits de mécanique et autres résonances singulières participent du jeu de cet instrument de 1825 attribué au facteur viennois Anton Zierer.

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