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Pièces pédagogiques de Kabalevski et Khatchaturian : Tristan Pfaff fait (magnifiquement) l’enfant

Ces morceaux signés et s'inscrivent dans une grande tradition slave, elle-même puisant dans le modèle schumannien. Elles nécessitent bien davantage qu'une technique en « phase d'acquisition » comme le démontre avec talent .

s'éloigne du répertoire contemporain – les Douze Études de Karol Beffa parues également chez Ad Vitam – et de la musique romantique qu'il affectionne, pour ces babioles inoffensives. Inoffensives ? Les cinquante-cinq partitions réunies sont délicates parce que ludiques, piquantes et d'une énergie bouillonnante, qui ne tolère que la perfection. Chaque accent est audible, toute approximation, prohibée. Elles se colorent de folklores recréés (Danse guerrière de Kabalevski), d'accents décalés, de rythmes délicats qu'il ne faut surtout pas maltraiter. Là où les Kinderszenen de Schumann ne s'adressent nullement aux enfants, ces pièces russes se destinent précisément aux jeunes pianistes. Elles les attirent sans le caractère impérieux d'un Prokofiev ou d'un Chostakovitch, vers une identité nationale stricte. Pour les deux compositeurs, en effet, il s'agissait de répondre aux dangereuses critiques des sbires de Staline, à l'époque de la dénonciation du formalisme. Pourtant, certaines pages sont empreintes d'une nostalgie (« négative ») et d'une modernité (« déprimante »), en contradiction avec les impératifs du régime. En témoignent Berceuse, Tempête de neige et Un événement dramatique de Kabalevski. Au fil des pages, l'enfantillage s'estompe et le style, sans perdre de sa dynamique pédagogique, s'aiguise. souligne cette singularité d'un minimalisme russe non-conformiste (Scherzo, Novelette, le Conte du même Kabalevski). En quelques notes, il pose le cadre sinon le décor d'un petit univers sonore.

L'œuvre pédagogique d'Aram Khatchaturian est plus concentrée sur le plan de l'écriture, plus inventive souvent sur le plan harmonique que celle de Kabalevski. Le compositeur marque ces pages de rythmes tournoyants, de ses habituels détournements de folklores, qui sont sa signature dans la musique symphonique, les ballets et les concertos. Tristan Pfaff « modernise » ces miniatures parfois… grandioses (Toccata, Fugue), en ce sens qu'il dépasse la digitalité mécanique, enfermée dans une classe de conservatoire. Peut-être les imagine-t-il comme les illustrations de courts-métrages ? Le second recueil (10 Pièces pour jeune pianiste) est plus délicat sur le plan technique, plus intéressant aussi sur le plan musical. L'accroissement de la difficulté – l'influence probable de Chostakovitch – ouvre de nouvelles perspectives aux pianistes déjà bien assurés. Il n'est décidément pas si simple… de faire simple !

 

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