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Esa-Pekka Salonen, invité surprise de l’Orchestre de Paris

Chaque concert apporte, en ces jours troublés, son lot d'imprévus : empêché en raison des contraintes sanitaires pesant sur le trafic aérien, c'est finalement qui le remplace sur le podium pour ce concert de l', avec un nouveau programme associant Le Tombeau de Couperin et le Concerto en sol de Ravel, avec en soliste, appariés à des extraits des Suites n° 1, 2 et 3 de Roméo et Juliette de Prokofiev.

Régulièrement invité par l' depuis 1988, et ravélien accompli confirme dès les premières notes du Tombeau de Couperin, ses affinités marquées pour la musique française. Mené avec beaucoup de souplesse et de fluidité, le Prélude séduit par sa liberté de ton et sa légèreté, comme par l'excellence de la performance de Miriam Pastor Burgos au hautbois ; la Forlane envoûte par son balancement obstiné, son invitation à la danse, sa délicatesse, ses couleurs hardies et ciselées toutes ravéliennes ; le Menuet fait, une fois encore, la part belle à la petite harmonie dans une cantilène un peu mélancolique soutenue par la harpe et le beau legato des cordes ; plus animé, rustique et jubilatoire, le Rigaudon se pare de subtiles nuances, magnifiées par des vents virevoltants (hautbois, trompette et cor).

Si le chef convainc indiscutablement comme interprète, par l'élégance, la précision et l'aisance de sa direction, il remporte également son lot de louanges comme accompagnateur dans le célèbre Concerto en sol de Ravel, magnifiant de sa complicité, l'interprétation toute en finesse de , jeune prodige du piano, primé au concours en 2010 et au concours Tchaïkovski en 2015. Tout en laissant une parfaite liberté au jeu délicat et sensible du soliste, maintient la pression rythmique, rassemble ce qui est épars dans l'orchestration subtile et complexe (harpe et cuivres) de l'Allegramente dont les accents jazzy sont parfaitement négociés par le pianiste. L'Adagio central est de toute évidence un moment de pure grâce, où le piano, à découvert, déclame un chant éthéré d'une indicible beauté, soutenu par les bois (cor anglais de Gildas Prado, clarinette de Pascal Moragues et flute de ) dans une symbiose confinant à l'égrégore avant que le Finale ne fasse valoir la qualité superlative du jeu de dans une joute virtuose avec l'orchestre, scandée par les stridences du piccolo, de la petite clarinette et des fanfares de cuivres.

Plus de réserves en revanche concernant les Suites orchestrales de Roméo et Juliette dont le chef choisit 10 extraits parmi les plus marquants, depuis le fameux Montaigus et Capulets de la Suite n° 2 (1938) jusqu'à la déchirante Mort de Juliette de la Suite n° 3 (1944). Illustrant l'adage populaire selon lequel « qui trop embrasse, mal étreint », Salonen, sur un phrasé très narratif, force à l'envi le trait par une théâtralité excessive et des contrastes trop brutaux (bien douloureux après les limbes ravéliens !) mettant ainsi en péril les équilibres orchestraux par excès de réverbération (cuivres graves et percussions) caractéristique de la grande nef de la Philharmonie. Bref, une interprétation très colorée qui se résume (et ce n'est pas rien !) à un virtuose exercice d'orchestre superbement exécuté par un au mieux de sa forme.

Crédit photographique : Esa-Pekka Salonen © Arne Hyckenberg

 

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