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Une improbable et fougueuse Troisième de Brahms par Sir John Eliot Gardiner

Malgré les conditions difficiles que l'on connait, donne, au pied levé dans l'Auditorium de Radio-France, une rayonnante Symphonie n° 3 de Brahms à la tête d'un Philhar exemplaire.

Il faut bien reconnaître que ce concert ne s'annonçait pas sous les meilleurs auspices : David Zinman empêché, remplacé par  ; un changement de programme en dernière minute du fait de l'indisponibilité du Chœur de Radio-France (en raison de cas de Covid-19 signalés) ; et deux solistes ( et ) se retrouvant, en définitive, sans partition contraints d'improviser deux airs de concert : « Ah ! perfido » de Beethoven pour l'une et « Es ist genug » de Mendelssohn pour l'autre… et pourtant, grâce au professionnalisme et au talent confondus du chef britannique et de la phalange parisienne, ce concert comble les attentes, tant par sa qualité musicale, que par la volonté farouche des participants à maintenir coûte que coûte un spectacle vivant de qualité dans des conditions de plus en plus précaires.

On ne s'attardera pas sur la prestation de dans le redoutable « Ah ! perfido ». Un air de concert composé en 1796 par Beethoven sur un texte de Métastase où se succèdent colère et pitié : l'absence de répétition suffit à expliquer une interprétation assez terne, dégageant peu d'émotion et surtout peu de puissance dramatique, entachée par un vibrato assez serré, un manque de projection et une tessiture mal adaptée (manque de graves). Point de réserves en revanche concernant la magnifique exécution du poignant « Es ist genug », extrait de l'Elias de Mendelssohn, par la basse  dont la voix puissante et bien projetée confère à cette prière toute l'humilité et le charisme nécessaires : le timbre est superbe, la diction irréprochable, le souffle long et l'accompagnement orchestral en rapport, avec un admirable pupitre de violoncelles conduit par .

Place ensuite à la Symphonie n° 3 de Brahms (remplaçant en dernière minute le Requiem allemand) dont Sir donne, comme à son habitude, une lecture très théâtralisée, fougueuse, lumineuse, faite de subtiles nuances, de contrastes ciselés et de timbres rutilants se déployant sur un phrasé souple mais tendu, plein d'allant et de relief, au sein d'une texture orchestrale claire donnant à entendre tous les pupitres. Délaissant l'ombre pour la lumière, le premier mouvement Allegro con brio impressionne par sa dynamique véhémente et la précision de sa mise en place, le second Andante laisse une large place à une petite harmonie des grands soirs ( à la flûte, au hautbois, Nicolas Baldeyroux à la clarinette et Jean-François Duquesnoy au basson) soutenue par les cordes très réactives sous la conduite de laissant à entendre les admirables contrechants de cor (). Célèbre, le troisième mouvement Poco Allegretto étale sa cantilène automnale au son des violoncelles, sans pathos excessif avec de judicieuses variations rythmiques, avant que l'Allegro final n'entame une véritable cavalcade où le phrasé se creuse s'appuyant sur des cuivres bien contenus, des cordes virevoltantes et un pupitre de cors omniprésent, précédant une coda apaisée méditative, aux couleurs toutes brahmsiennes.

Crédit photographique : Sir John Eliot Gardiner © Sim Canetly Clarke

 

 

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