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Armide 1778, une création 240 ans après sa composition

Les représentations au Théâtre des Champs-Elysées puis à l'Arsenal de Metz annonçaient sans grande surprise l'enregistrement de cette version de 1778 d'Armide par le Centre de Musique baroque de Versailles et .

Afin d'apprécier cette proposition de « création » dont la commande annulée en cours d'écriture n'a même pas permis à son compositeur de finaliser son dernier acte (ici complété par les musicologues Benoît Dratwicki et Julien Dubruque), il faut, soit n'avoir aucune attente, et certainement pas en attendre du Lully !, soit s'approprier le contexte de l'ouvrage pour mieux en appréhender l'écoute.

Composée au moment de la fameuse querelle des lullystes et des gluckistes, l'œuvre fut la réponse du directeur de l'Opéra de l'époque, Anne-Pierre-Jacques Devismes du Valgay, face au véritable tollé suscité par l'Armide de Gluck qui aujourd'hui a pleinement repris sa place sur nos scènes nationales. Le neveu du musicien officiel Francœur auprès de Louis XV a conservé les mélodies de Lully à deux ou trois exceptions près, et a voulu mettre en valeur l'orchestre comme à la mode de l'époque, le continuo étant ainsi assuré par une phalange bien démonstrative voire clinquante, instruments à vents en tête. La musique est mise au premier plan au détriment de la prosodie. Nouvelles pièces et nouvelles danses agrémentent cette version tournée autant vers le passé que vers l'avenir, intéressant témoignage d'une époque, amusant outil de comparaison avec les autres versions, mais l'intérêt s'arrête ici. L'engagement d'un Concert Spirituel avide de redécouvertes passées qui malgré toute son ardeur ne pourra rehausser une partition bien fade et sans contrastes que le rythme tonitruant ne saurait tromper.

Pour combler ce constat, le CMBV a mis une distribution vocale de premier choix, irréprochable comme on pouvait s'y attendre : (Armide) dont la noblesse et la luminosité nous sont aujourd'hui habituelles ; (Renaud) aussi séduisant par son timbre qu'élégant techniquement ; (Hidraot, La Haine) un peu en inéquation avec les deux rôles qui lui sont assignés ; (Phénice, Lucinde) qui semble sur le fil dans ses légères vocalises ; (Sidonie, une Naïade, un Plaisir) dont la diction pourrait être perfectible ; (Aronte, Artémidore, Ubalde) et (le Chevalier danois) sortant tous deux leur épingle du jeu, tant par leur vaillance que par leur émission précise.

Le produit marketing est parfaitement élaboré : un objet noble donnant l'impression de se faire un cadeau, ainsi qu'un petit livret documenté et imagé du meilleur effet.

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