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L’office des défunts de Victoria reconstitué par La Grande Chapelle

Après un CD consacré aux Lamentations de Morales (distingué par une Clef d'or Resmusica en 2019), poursuit son tour d'horizon des grands polyphonistes ibériques. Le présent enregistrement est né de la volonté de situer le célèbre Officium defunctorum de dans le contexte historique de sa création en 1603, comme l'explique un texte d'accompagnement remarquable signé par le chef .

Les funérailles royales sont un évènement tant politique que religieux, d'une solennité incomparable. La cour d'Espagne nous en offre un exemple éclatant au tournant du 17ème siècle, à l'occasion du décès de l'impératrice Marie d'Autriche. Veuve de l'empereur Maximilien II de Habsbourg, la fille aînée de Charles Quint et sœur du roi d'Espagne Philippe II s'était retirée au couvent des Déchaussées de Madrid et avait fait de Victoria son aumônier personnel. A son décès, elle eut droit à pas moins de quatre cérémonies funéraires, depuis les obsèques privées jusqu'aux offices funèbres publics dans différents couvents. émet l'hypothèse que le grand Officium defunctorum de Victoria ici enregistré fut donné lors des quatrièmes funérailles, les plus spectaculaires, célébrées au sein de la Compagnie de Jésus à Madrid. L'impératrice était la bienfaitrice de la Compagnie, à laquelle elle légua une grande partie de son immense fortune. On possède de nombreux détails sur le faste de cette cérémonie royale. Les célébrations s'étendaient sur deux journées: les matines et les laudes la veille, et la messe de Requiem le lendemain matin. C'est l'ensemble de ces offices qu' a choisi de présenter ici.

L'enregistrement de la vigile des défunts constitue une première mondiale. Le premier disque de ce coffret (qui en comporte deux) lui est entièrement consacré. On y entend de nombreux versets en plain-chant, confiés à l'excellente que dirige . Le Deus in adjutorium du début est traité en faux-bourdons, d'une grande intensité expressive. La même forme est utilisée dans les versets du Miserere, où le plain-chant de la Schola alterne avec la polyphonie homophonique chantée par le chœur de . Le plain-chant est l'armature qui soutient tout l'édifice des offices. Albert Recasens a choisi l'omniprésence d'un basson qui double les voix de basses dans la polyphonie et parfois aussi l'unisson du grégorien. La présence d'un joueur de douçaine est avérée par les textes de l'époque, et ce choix est particulièrement judicieux dans cet enregistrement. Le second disque est consacré à la messe des défunts elle-même. On y apprécie l'extraordinaire maîtrise contrapuntique de Victoria dans la conduite des six voix. De l'aveu même du compositeur, celui-ci considérait cette oeuvre magistrale comme son « chant du cygne ».

On se souvient de l'enregistrement du même office par la Maîtrise de Toulouse dirigée par Mark Opstad il y a quelques mois. Les tempi y étaient plus étirés, et les voix d'enfants moins timbrées que celles de . Il y a ici plus de matière sonore, plus de chair, et un remarquable sens de l'architecture. Une version de référence, servie dans un magnifique coffret à l'iconographie très documentée.

La musique funèbre de Morales, sublimée par La Grande Chapelle

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